LE SURREALISME
Le mot « surréalisme » a été choisi en hommage à Apollinaire. Celui-ci venait en effet de mourir (1918) et avait signé peu auparavant avec Les Mamelles de Tirésias un « drame surréaliste ». Depuis Alcools (1913), sa poésie aspirait par tous ses pores à l’esprit nouveau .
Cet esprit nouveau est ce que la jeune génération issue du cataclysme de la Première guerre a décidé d’incarner sous le nom de Surréalisme. C’est dans son premier Manifeste qu’André Breton en propose la définition : Surréalisme, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.
En fait, le Surréalisme dépasse très largement cette définition de l’écriture automatique, Breton ayant pris grand soin de le distinguer d’une école littéraire. C’est dans la vie que le surréalisme devait trouver son territoire en promouvant un nouveau regard sur les objets et sur les mots, qu’il a débarrassés de leur utilitarisme. Veillant à ne laisser échapper aucune association mentale digne de contribuer à la libération de l’esprit, il a fourni aussi le modèle durable d’une insurrection générale contre tous les mots d’ordre de la société bourgeoise. Profondément marqué enfin par la personnalité d’André Breton, le surréalisme est indissociable d’une morale dont les impératifs catégoriques – la poésie, l’amour, la liberté- ont été haut tenus, malgré les vicissitudes du groupe et les tentatives de réduction.
Parmi celles-ci, la récupération scolaire pouvait représenter la plus redoutable, mais ses exégèses n’ont pas toujours été malveillantes. Notre propos est en tout cas de présenter les traits distinctifs du surréalisme à l’aide de quatre textes qui, tous, pourraient donner lieu à des prolongements fertiles, même à l’intérieur de murs ô combien honnis par les membres du groupe.
I- L'« automatisme psychique pur »
Le Surréalisme a d’abord entrepris la libération des mots, refusant de les cantonner à l’utilitarisme étroit auquel on les condamne. Par ce biais, il a devancé les recherches des linguistes contemporains, attentifs à distinguer le pouvoir du signifiant de la chose signifiée. Oublieux du sens étroit indiqué par les dictionnaires, les surréalistes ont considéré les mots en soi et examiné leurs réactions les uns sur les autres. « Ce n’est qu’à ce prix,note Breton, qu’on pouvait espérer rendre au langage sa destination pleine, ce qui, pour quelques-uns dont j’étais, devait faire faire un grand pas à la connaissance, exalter d’autant la vie.»(Les Pas perdus). Afin de dérouter la raison et casser les associations dont elle prétend régler la cohérence, les surréalistes ont misé sur le pouvoir dévastateur de l’image, ce qui explique la fortune particulière du mouvement dans le domaine pictural : «Le vice appelé Surréalisme, écrit Aragon, est l’emploi déréglé et passionnel du stupéfiant image, ou plutôt de la provocation sans contrôle de l’image pour elle-même et pour ce qu’elle entraîne dans le domaine de la représentation de perturbations imprévisibles et de métamorphoses : car chaque image à chaque coup vous force à réviser tout l’Univers.» (Le Paysan de Paris).
II- Des « spécialistes de la révolte »
Happé par le siècle, le surréalisme s’est constamment situé au cœur des événements. Mais sa position ne pouvait se satisfaire de l’appareil des partis, y compris de celui du Parti communiste, dont il a voulu un temps se sentir proche. C’est qu’aux impératifs de la Révolution sociale, les surréalistes ont toujours subordonné l’urgence majeure qui devait être la libération des modes de pensée : « “Transformer le monde” a dit Marx ; “changer la vie” a dit Rimbaud : ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un », affirme Breton (Position politique du surréalisme). Antonin Artaud formulera plus définitivement ces objections à l’égard d’une révolution qui n’aurait que l’économie pour domaine : « Je méprise trop la vie pour penser qu’un changement quel qu’il soit qui se développerait dans le cadre des apparences puisse rien changer à ma déplorable condition. »(A la grande nuit, ou le bluff surréaliste , 1927). Breton confirmera plus tard : « L’étreinte poétique comme l’étreinte de chair / Tant qu’elle dure / Défend toute échappée sur la misère du monde.»(Sur la route de San Romano , 1948).
III. Une « mythologie moderne »
Baudelaire le notait déjà : « La vie parisienne est féconde en sujets poétiques et merveilleux : le merveilleux nous enveloppe et nous abreuve comme l’atmosphère ». Les surréalistes furent attentifs à la vie secrète de la grande ville, dont les rues fourmillent de « hasards objectifs » : ceux des rencontres dans le « vent de l’éventuel », comme le dit Breton (voyez nos pages sur Nadja ), mais aussi ceux des associations fortuites permises par le spectacle des vitrines, des objets ou des affiches publicitaires qui, dégagés de leur visée utilitaire et commerciale, fournissent au promeneur égaré une imagerie entièrement inédite, à la source de la modernité.
IV- « L'amour la poésie »
« La femme est l’être qui projette la plus grande ombre ou la plus grande lumière dans nos rêves »écrivait Baudelaire. A la lueur de cette étoile, les surréalistes ont magnifié la relation amoureuse, méritant ce qu’ Albert Camus écrivait de Breton : « Dans la chiennerie de son temps, et ceci ne peut s’oublier, il est le seul à avoir parlé profondément de l’amour. L’amour est la morale en transes qui a servi de patrie à cet exilé. »(L’Homme révolté). Opposé certes à la chiennerie du temps, l’amour est aussi pour les surréalistes cette révolution privée où s’autorisent toutes les transgressions. Ce discours amoureux, dont les fragments épars chez des auteurs pourtant divisés se répondent en échos harmonieux, est sans doute ce que le surréalisme aura laissé de plus vibrant pour attester de son énergie
QUIZZ
Quel poète, auteur des "Fleurs du Mal", a inspiré le surréalisme ?
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Pour Arthur Rimbaud, le poète doit...
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