LES FORMES DE DÉCOLONISATION

LES FORMES DE DÉCOLONISATION

INTRODUCTION

La décolonisation a été considérée comme un processus irréversible et une nécessité historique. Cependant les modalités pratiques de sa réalisation n’ont pas été partout les mêmes. Les enjeux multiformes et la complexité du problème ont engendré deux formes de décolonisations : la forme pacifique et la forme violente.

I- LA DECOLONISATION PACIFIQUE

1- Définition


C‘est une forme de décolonisation où l’indépendance a été obtenue à la suite de négociations entre la métropole et la colonie. Elles ont été parfois très difficiles et faites en plusieurs étapes pendant lesquelles, la métropole après avoir proposé les réformes du statut de la colonie finit par leur accorder l’indépendance. Exemples : celle des colonies britanniques, mais aussi celle des colonies françaises d’Afrique noire. Cependant, ces décolonisations ont été parfois ponctuées de violence.

2 – Les causes internes à la colonie

L’élite politique qui animait les mouvements nationalistes était pour la plupart constituée de modérés issus de la bourgeoisie marchande ou intellectuelle et de l’aristocratie. Exemples : Senghor, Houphouët Boigny, Gandhi, Nehru, Soekarno. Ils préféraient le dialogue à la place des armes car étant conscient que tout changement brutal remettrait en cause leurs intérêts après la libération.
L’option pacifique peut aussi être liée à l’absence d’une organisation militaire capable de défier l’armée coloniale.

3- Les causes externes à la colonie

Elles sont liées à l’attitude de la métropole face à la détermination des mouvements nationalistes.
L’attitude positive des Anglais s’explique par deux raisons :
– Ils ont retenues les leçons de leur défaites au XVIII siècle pendant la guerre d’indépendance des Etats-Unis. Ils étaient donc conscients de l’impossibilité de faire échec à un peuple déterminé à obtenir l’indépendance ;
– les Anglais voulaient aussi accorder l’indépendance de façon pacifique afin de sauvegarder leurs intérêts dans le cadre du British Commonwealth of nation.
Quant à la France, elle a été contrainte d’accepter la décolonisation pacifique d’Afrique noire après ses défaites en Indochine et en Algérie.
La décolonisation pacifique se traduit par le maintien des intérêts économiques et politiques de la métropole.

4- Analyse

Cette stratégie permet à la Grande-Bretagne de conduire une décolonisation pacifique dans plusieurs pays, même si le désengagement rapide est parfois la cause d’affrontements religieux ou interethniques (ou du moins les favorise) dans les pays décolonisés.
La Grande-Bretagne s’engage très rapidement après la guerre dans la voie d’une décolonisation globale. Ainsi, en Asie, ce sont successivement l’Inde et le Pakistan en 1947. Après l’Asie, c’est au tour des pays du bassin méditerranéen. Les Britanniques se désengagent de Palestine en 1948, laissant dans ce pays les communautés antagonistes (Juifs et Palestiniens) face à face. En Afrique, les Britanniques tentent dans un premier temps de favoriser un compromis par « l’association des races » afin que les colons blancs puissent conserver une partie du pouvoir. Mais, face à l’hostilité des populations noires, Londres se résout à accepter la thèse du nationalisme sans pluralité de races. Ainsi, le Ghana (1957), le Soudan anglo-égyptien (1956), le Nigeria (1960), la Sierra Leone et le Tanganyika (actuelle Tanzanie) (1961) accèdent à l’indépendance.
L’absence de violence et la relative facilité de ces diverses entreprises de décolonisation incitent nombre d’historiens à mettre en avant l’exemple de la Grande-Bretagne, instaurant un parallèle avec les autres empires coloniaux tels que ceux de la France, des Pays-Bas et du Portugal, États qui n’ont pas su conduire le processus d’accession à l’indépendance de leurs possessions d’outre-mer et ont eu à supporter des guerres longues et coûteuses. Mais cette opposition ne recouvre que partiellement la réalité.
En effet, la France a su réussir la décolonisation de l’Afrique noire. Grâce aux différentes étapes que sont l’Union française (1946), puis la loi-cadre Defferre qui établit un régime d’autonomie interne, la transition réformatrice est privilégiée et aboutit à une émancipation progressive et pacifique. L’absence d’intérêts économiques majeurs et d’une forte minorité d’Européens dans ces colonies favorisent la mise en place de cette solution, ainsi que l’attitude des grands meneurs indépendantistes africains, aux idées et à la culture francophiles, qui mènent une stratégie souple, ne s’engageant jamais dans l’affrontement direct avec la métropole mais au contraire y cherchant des appuis. Félix Houphouët-Boigny, député de Côte d’Ivoire à l’Assemblée nationale (1946-1959) et plusieurs fois ministre sous l’IVe République, fondateur du Rassemblement démocratique africain (RDA), et Léopold Sédar Senghor, partisan d’un métissage entre la culture française et ses racines africaines, jouent un rôle primordial dans cette évolution. Et même si la Communauté française — créée par de Gaulle en 1958, qui instaure une autonomie interne complète tandis que la politique extérieure reste du domaine de la France — est un échec sur le plan politique, les pays africains accédant à l’indépendance sans conserver aucun lien avec la métropole, elle permet à la France de maintenir de bonnes relations avec les pays de l’Afrique équatoriale française (AÉF) et de l’Afrique occidentale française (AOF), qui demeurent dans sa zone d’influence.

II- LA DÉCOLONISATION VIOLENTE

1- Définition

C’est le contraire de la décolonisation pacifique. L’indépendance a été obtenue à la suite d’une guerre de libération nationale entre la colonie et la métropole.

2- Les causes internes à la colonie

Dans ces colonies, les mouvements nationalistes refusaient tout compromis avec la métropole. Ils étaient déterminés à obtenir l’indépendance immédiate et sans condition. La plupart était des communistes qui inscrivaient leur combat dans le rejet global du système colonial.
Ils bénéficiaient souvent d’un soutien extérieur qui obéissait à des préoccupations idéologiques, pendant la guerre froide. L’option violente peut être aussi liée à la frustration de certains peuples qui étaient sous la domination au moment où leurs voisins directs étaient indépendants. Exemple : Algérie avec l’indépendance du Maroc et de la Tunisie.

3- Les causes externes à la colonie

La métropole a voulu conserver les colonies pour trois raisons :
-Le poids économique et stratégique de la colonie. Exemple : l’Indochine dont la production de riz était d’une grande importance pour la France. Elle était aussi la seule colonie française d’extrême
Orient ;
-L’existence de groupes de pressions sur le pouvoir colonial à l’intérieur de la colonie. Ils étaient constitués d’une minorité de colons qui détenaient l’essentiel des pouvoirs économiques, politiques et administratifs. Exemple : les colonies portugaises, l’Indochine et l’Algérie. Le rôle des forces conservatrices dans la métropole. Exemple : en 1946 une campagne de presse est déclenchée par le mouvement populaire républicain (France) « contre la politique de la France en Indochine » ;
-La France humiliée par l’Allemagne pendant la 2eme guerre mondiale voulait restaurer son prestige et s’appuyer sur les colonies pour sa reconstruction économique.
La décolonisation violente entraîne une rupture totale entre la métropole et son ancienne colonie.

4- Analyse

C’est surtout la France qui connaît un problème colonial important, entraînant de graves crises qui aboutissent à la naissance de la Ve République, en raison de l’absence de toute conception globale de la décolonisation comme de toute volonté politique forte de la part des différents gouvernements de 1945 à 1958, et du désintérêt affiché de l’opinion publique métropolitaine, mais aussi de l’évolution de la situation internationale. Ainsi, le conflit d’Indochine se déroule en grande partie dans un contexte de guerre froide liée à la prépondérance, dans le mouvement nationaliste, des communistes dirigés par Hô Chí Minh et à la proximité de la Chine de Mao Zedong. Huit années de guerre (1946-1954), le désastre de Diên Biên Phu (mai 1954) et le refus des Américains de lui venir en aide sont nécessaires pour que la France signe les accords de Genève le 20 juillet 1954, accorde l’indépendance au Viêt Nam ainsi qu’au Laos et au Cambodge, et se retire de cette région du monde.
Enfin, en Algérie, la France s’engage dans l’une des plus longues guerres de la décolonisation (1954-1962) contre le FLN, en raison de la présence d’une forte minorité de colons. Dans cette lutte sans merci, l’échec de l’expédition de Suez (1956) marque un tournant décisif en manifestant que la France ne peut plus agir sans l’assentiment des Américains et qu’un Arabe, l’Égyptien Gamal Abdel Nasser, l’a mise en échec.
Malgré l’envoi du contingent et un succès militaire sur le terrain, la France ne peut cependant se maintenir en Algérie ; le général de Gaulle, arrivé au pouvoir grâce à la pression des colons et de l’armée, sait conduire le processus menant à l’indépendance acquise lors des accords d’Évian, signés le 18 mars 1962 qui met fin à cent trente années de présence française.
Le Portugal se lance également dans de longs et difficiles conflits au Mozambique, en Angola et en Guinée-Bissau, y consacrant une part très importante de son budget. Mais l’échec du régime d’António de Oliveira Salazar à vaincre ces mouvements nationalistes entraîne sa chute, et la révolution des Œillets en 1974 ouvre la voie à l’indépendance des possessions d’outre-mer, qui devient effective en 1975.

CONCLUSION

Le caractère complexe du processus de décolonisation a engendré deux formes : pacifique et violente. Les réalités politiques, économiques et sociales de la colonie ont été très déterminantes dans le choix de la forme de décolonisation.


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