CRISE ECONOMIQUE
PRÉSENTATION
Crise économique, période de ralentissement de l’activité économique, caractérisée par une forte baisse de la production.
Les économistes décomposent les cycles de production en quatre phases successives. La première correspond à la phase de croissance ou d’expansion, qui s’accompagne d’une hausse de la production ; la deuxième correspond à la phase de crise proprement dite, caractérisée par un affaiblissement brutal du rythme d’accroissement de la production ; la troisième constitue une phase de dépression, marquée par une baisse de la production ; la quatrième, enfin, s’analyse comme une phase de reprise. Au sens strict du terme, la crise économique est le moment précis où s’opère le retournement brutal de la conjoncture économique qui annonce la fin d’une période d’expansion. Le terme a aujourd’hui acquis une dimension plus large et inclut souvent l’idée de dépression elle-même.
L’apparition d’une crise signifie que l’économie est entrée dans une période de diminution de la production et d’augmentation du chômage. Les contractions ou baisses effectives de la production sont aujourd’hui peu fréquentes dans les pays occidentaux. L’entrée en crise passe plutôt par un ralentissement de la croissance et une réduction du taux de croissance du produit intérieur brut (PIB), situation que l’on nomme récession (les spécialistes de la conjoncture donnent pour leur part un sens plus précis à ce terme en appelant récession toute période de plus de deux trimestres consécutifs durant laquelle une économie enregistre une croissance négative). La stagflation est pour sa part une situation caractérisée par la coexistence d’une stagnation de la production, d’une hausse du chômage et d’une hausse cumulative des prix, phénomène observé durant les années 1970.
LES CRISES DE SUBSISTANCE
Sous l’Ancien Régime, les difficultés économiques se manifestaient avant tout dans le secteur alors dominant de l’agriculture. Les guerres et les aléas climatiques réduisaient brusquement les récoltes, ce qui entraînait une chute des revenus de la population agricole et une hausse du prix des céréales qui gagnait progressivement les secteurs de l’industrie et du commerce. En raison de la diminution du pouvoir d’achat de la paysannerie, la demande de produits industriels accusait alors une diminution. Le chômage se développait dans les villes, déterminant la multiplication des troubles sociaux. Les économistes estiment que la crise de 1847-1848, marquée par la disette, fut la dernière grande crise de ce type dans les pays européens, et qu’elle représentait déjà par certains aspects (crise boursière, paralysie industrielle) l’entrée dans le type moderne des crises industrielles.
LES CRISES INDUSTRIELLES
Les crises industrielles sont des crises de surproduction, à l’inverse des précédentes. Elles apparaissent lorsqu’il y a excès de l’offre par rapport à la demande solvable et non lorsqu’il y a insuffisance de marchandises par rapport à la demande. La crise économique de 1929 en constitue certainement l’exemple le plus frappant. Précédée d’un krach boursier, elle est née de l’insuffisance de la demande par rapport à la quantité de biens produits par les entreprises. Des effets cumulatifs n’ont pas tardé à se manifester : inquiets de la mévente de leurs produits, les industriels ont réduit leurs activités et licencié des salariés, ce qui a entretenu un phénomène de surabondance des marchandises. Les crises industrielles ont souvent la particularité de se produire à la suite de perturbations boursières, puis bancaires. Le secteur commercial et le secteur industriel sont alors touchés et la production est affectée, les prix des produits s’effondrant avec les salaires tandis que le chômage s’accroît.
LES DEUX CHOCS PÉTROLIERS
Le quadruplement des prix du pétrole décidé par l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP), a provoqué de nombreux déséquilibres dans les pays occidentaux, qui se sont manifestés notamment par une hausse des taux d’inflation, une aggravation des déficits commerciaux liés à la facture pétrolière, un ralentissement de la croissance imposé par la hausse des coûts de production et des déficits extérieurs, et par la montée du chômage. Mais l’augmentation des prix du pétrole n’a été que le facteur déclenchant de la crise ; en effet, les sources de déséquilibre étaient déjà visibles au début des années 1970, avec les dysfonctionnements du système monétaire international, la réduction de la profitabilité des entreprises et l’accélération de l’inflation.
La crise contemporaine, comme celle de 1929, a débuté avec un événement marquant (le krach boursier en 1929, le choc pétrolier en 1973). À l’image de la crise de 1929, on peut noter à propos de la crise contemporaine l’augmentation brutale du taux de chômage. Cependant, les deux crises présentent des différences essentielles. Après 1973, on a enregistré une réduction des taux de croissance (récession), et non une baisse de la production (dépression) ; en 1929, les prix n’avaient cessé de baisser (déflation), alors que l’inflation s’est accrue depuis 1973 (elle s’est ralentie depuis le milieu des années 1980) ; sur le plan des échanges commerciaux, il n’a pas été constaté une contraction du commerce qui serait due à un repli protectionniste ; enfin, la consommation a connu une progression, certes timide, mais réelle, depuis 1973, alors qu’elle s’était effondrée dans les années 1930. Si la crise de 1973 apparaît profondément différente de celle des années 1930, c’est qu’entre ces deux périodes l’État a accru sa participation et son rôle dans la vie économique et que des systèmes de protection sociale et de redistribution fiscale ont pu maintenir les revenus et la consommation.
LA THÉORIE DES CRISES
Face aux crises industrielles, les économistes ont développé plusieurs types d’explications. Les théoriciens des cycles ont cherché l’origine des crises dans les phases d’expansion : son apparition ne traduit pas nécessairement l’existence de dysfonctionnements économiques, mais seulement l’alternance de périodes hautes et de périodes basses, ces dernières permettant à l’économie de connaître une certaine détente dans l’activité. Les partisans de Schumpeter voient dans les crises courtes une conséquence de l’aspect destructeur du progrès technique à court terme, et dans les crises longues une conséquence de l’insuffisance de ce progrès technique. Les analyses des continuateurs de Keynes soulignent quant à elles le rôle de la faiblesse de la demande dans les crises et préconisent l’intervention de l’État, chargé de relancer la demande globale en particulier par l’investissement public, mais également par le biais d’une politique monétaire agissant sur les taux d’intérêt et la masse monétaire. Les néoclassiques font de l’inobservance des mécanismes spontanés du marché la cause des crises. Ils s’opposent à une politique keynésienne de relance par les dépenses publiques, à une politique de soutien des industries en difficulté, et recommandent une politique favorisant la restauration de la concurrence, la flexibilité des salaires et le contrôle de la progression de la masse monétaire. Les oppositions entre ces courants de pensée ne sont plus aujourd’hui aussi nettes qu’elles pouvaient le paraître dans les années 1960-1970. Des travaux macroéconomiques parviennent à concilier les apports keynésiens (le constat de l’impuissance du marché dans certaines circonstances, la nécessité de l’intervention de l’État pour débloquer cette situation, l’absence de neutralité de la monnaie) et les apports néoclassiques (la nécessité de laisser jouer le plus possible les mécanismes de marché).
Certaines écoles de pensée ont tenté de décrire les crises économiques à partir de facteurs non seulement économiques mais également institutionnels et sociaux. Ainsi, l’école française de la régulation a-t-elle souligné l’importance des règles et des rapports sociaux dans l’analyse du fonctionnement de l’économie : les modalités de la fixation des salaires, le droit du travail, les formes de la concurrence entre les entreprises, le rôle de l’État sont tour à tour mobilisés pour l’explication. Ces auteurs dessinent une opposition entre un mode de régulation concurrentielle, se développant durant la seconde moitié du XIXe siècle et s’effondrant avec la crise économique de 1929, et un mode de régulation monopoliste qui connut son apogée entre les années 1950 et 1970.
La régulation concurrentielle correspond à un capitalisme dur : le marché prédomine, les salaires ne s’accroissent que très modestement et la concurrence entre les entreprises est particulièrement sévère. Une crise prend la forme d’une baisse des salaires (en raison de la flexibilité parfaite sur le marché du travail) et d’une baisse de la production (les faillites sont immédiates et nombreuses car les débouchés diminuent avec les revenus). La régulation monopoliste est le fait des grandes institutions sociales (les oligopoles, l’État, la Sécurité sociale, les syndicats), et non seulement du marché. Les salaires sont indexés sur les gains de productivité et déterminés par la négociation collective. Les crises ont dans ce cas des conséquences beaucoup moins néfastes qu’autrefois, car la consommation se maintient grâce aux revenus de la protection sociale ; les récessions sont plus fréquentes que les dépressions. Le fordisme est le modèle de croissance qui correspond au mode de régulation monopoliste. Il suppose des revenus en augmentation (sous la pression des institutions sociales) et une consommation de masse qui assure à son tour l’écoulement d’une production de masse, donc la possibilité pour les industriels d’obtenir des gains de productivité élevés. Il y a un cercle vertueux, car ces gains de productivité peuvent être répercutés sur les salaires. La crise actuelle dans ce contexte traduit le passage à un cercle vicieux : ralentissement des gains de productivité, saturation relative de la demande et stagnation des revenus.