INFLATION ET DEFLATION

INFLATION ET DEFLATION

PRÉSENTATION

Inflation et déflation, termes utilisés pour décrire respectivement la diminution ou l’augmentation du pouvoir d’achat de la monnaie en biens et services.
L’inflation est une augmentation ample et soutenue du niveau général des prix, mesurée par un index du coût de différents biens et services. Une augmentation répétée des prix érode le pouvoir d’achat de la monnaie et des autres actifs financiers à valeur fixe, provoquant ainsi de graves distorsions et incertitudes économiques. L’inflation apparaît lorsque des pressions économiques et l’anticipation de certains événements font monter la demande en biens et en services au-delà de l’offre disponible aux prix existants, ou lorsque la production disponible est réduite par une productivité défaillante ou par les contraintes du marché.
La déflation est une baisse soutenue du niveau général des prix, comme celle qui est survenue au cours de la crise économique de 1929. Elle est généralement associée à une érosion prolongée de l’activité économique et à un niveau de chômage élevé. Néanmoins, les baisses de prix généralisées sont aujourd’hui très rares, et l’inflation est devenue la principale variable macroéconomique affectant la planification économique, publique ou privée.

LES DIFFÉRENTS TYPES D'INFLATION

Une inflation rampante, de quelques points de pourcentage par an, ne constitue pas une menace grave pour le progrès économique et social. Elle peut même stimuler l’activité économique. En effet, l’illusion d’une augmentation du revenu au-delà de la productivité réelle encourage la consommation, et l’investissement dans l’immobilier s’accroît par l’anticipation d’une future hausse des prix. Dans l’activité commerciale, l’investissement en usines et en équipements s’accélère car les prix montent plus vite que les coûts, et les particuliers, entreprises et organismes publics emprunteurs prennent conscience que les prêts seront remboursés avec de l’argent porteur de moins de pouvoir d’achat.
Plus grave est le modèle de l’inflation chronique, caractérisé par une hausse des prix plus importante atteignant des taux annuels compris entre 10 p. 100 et 30 p. 100 dans certains pays industrialisés et parfois même 100 p. 100 ou plus dans quelques pays du tiers-monde. L’inflation chronique tend à devenir permanente et installe un cercle vicieux. Pour s’adapter à l’inflation chronique, les activités économiques normales se dérèglent : les consommateurs achètent des biens et des services pour éviter de payer des prix encore plus élevés dans le futur ; la spéculation immobilière s’accroît ; les investissements commerciaux se concentrent sur le court terme ; les incitations à épargner, ou à souscrire à une assurance, à un plan de retraite ou à des obligations à long terme sont restreintes, car l’inflation réduit le pouvoir d’achat à terme de ces produits financiers ; les gouvernements accroissent rapidement leurs dépenses dans l’attente de revenus gonflés ; les nations exportatrices voient la compétitivité de leur commerce compromise et sont contraintes de recourir au protectionnisme et à un contrôle arbitraire de la monnaie.
Dans sa forme extrême, la hausse chronique des prix devient de l’hyperinflation et provoque la chute du système économique entier. Par exemple, l’hyperinflation qui frappa l’Allemagne après la Première Guerre mondiale eut pour effet de multiplier le volume de la monnaie en circulation par plus de 7 millions et les prix par 10 millions sur les seize mois qui précédèrent novembre 1923. D’autres exemples d’hyperinflation se produisirent aux États-Unis et en France à la fin du XVIIIe siècle, en URSS et en Autriche après la Première Guerre mondiale, en Hongrie, en Chine et en Grèce après la Seconde Guerre mondiale, et dans quelques pays du tiers-monde au cours de ces dernières années. Au cours d’une période d’hyperinflation, la monnaie et le crédit s’accroissent à un rythme exponentiel, détruisant tous les liens existant entre valeur réelle et valeur nominale et rendant nécessaires des systèmes complexes de troc. Les gouvernements recourent à la planche à billets pour financer l’augmentation des programmes de dépenses, et ces financements inflationnistes des déficits budgétaires (voir Budget) détruisent la stabilité économique, sociale et politique.
À l’époque du bimétallisme ou de l’étalon or, une forme importante d’inflation était l’adultération de la monnaie, qui consistait pour un souverain à réduire la quantité de métal précieux contenue dans les pièces de monnaie. Si cette opération assurait des profits à court terme à l’État, qui pouvait frapper plus de monnaie pour la même quantité de métal précieux, elle faisait monter les prix à long terme, en raison de la loi de Gresham, qui veut que la « mauvaise monnaie chasse la bonne ». Ces adultérations servaient souvent à financer l’effort de guerre, ce qui explique en partie la corrélation qui existe entre l’inflation et les soulèvements politiques. En Europe, l’afflux d’argent venu du Nouveau Monde à partir du XVIe siècle aurait également contribué à la croissance progressive de l’inflation à partir de cette époque, la valeur du métal précieux tendant à diminuer. Les gouvernements actuels procèdent à de telles adultérations lorsqu’ils impriment plus de monnaie ou en modifient la valeur par un autre moyen.

HISTOIRE

On trouve de nombreux exemples d’inflation et de déflation à travers l’histoire, mais aucun document détaillé ne permet de quantifier ces tendances avant le Moyen Âge. Les historiens ont identifié une longue période d’inflation entre le XVIe et le début du XVIIe siècle en Europe, quoique à un taux annuel moyen de 1 p. 100 à 2 p. 100 bien modeste pour notre époque. Un important changement eut lieu pendant la guerre de l’Indépendance américaine, avec une hausse moyenne des prix de 8,5 p. 100 par mois aux États-Unis et, pendant la Révolution française, avec un taux d’inflation mensuel moyen de 10 p. 100. Ces crises relativement brèves furent suivies de longues périodes d’inflations et de déflations mondiales liées à des événements politiques et économiques particuliers.
Par rapport aux autres périodes de l’histoire, celle qui suit la Seconde Guerre mondiale est caractérisée par des niveaux relativement élevés d’inflation dans de nombreux pays et, vers le milieu des années 1960, une tendance à l’inflation chronique s’est installée dans la plupart des pays industrialisés. Ainsi, de 1965 à 1978, les prix à la consommation ont-ils augmenté à un taux moyen annuel de 5,7 p. 100 aux États-Unis, avec un pic de 12,2 p. 100 en 1974. Au Royaume-Uni, l’inflation a également atteint un record de 25 p. 100 en 1974, après le quadruplement des prix mondiaux du pétrole. Plusieurs autres pays ont subi une accélération comparable de la hausse des prix, mais certains, comme la République fédérale d’Allemagne (alors limitée à l’Allemagne de l’Ouest), ont échappé à une inflation chronique. Si l’on considère le niveau d’intégration de nombreux pays à l’économie mondiale, ces résultats disparates révèlent la relativement bonne efficacité des politiques économiques nationales.
Cette tendance inflationniste a été renversée dans la plupart des pays industrialisés vers le milieu des années 1980. Des mesures budgétaires et des politiques monétaires audacieuses engagées au début de la décennie, combinées à la baisse brutale du prix du pétrole et des matières premières, ont permis de retrouver des taux annuels d’inflation de moins de 4 p. 100.

CAUSES

L’inflation par la demande se produit lorsque le total de la demande excède l’offre disponible, entraînant des hausses de prix et faisant monter les salaires, le coût des matériaux, ainsi que les coûts d’exploitation et de financement. L’inflation par les coûts se produit lorsque les prix montent pour couvrir le total des coûts et maintenir les marges bénéficiaires. Une spirale coûts-prix finit par se développer lorsque tous les groupes d’intérêt et toutes les entités économiques répercutent chaque augmentation. Une déflation se produit lorsque les effets de la spirale sont inversés.
Pour expliquer comment les composantes de base de l’offre et la demande peuvent varier, les économistes ont proposé trois théories différentes : la quantité de monnaie disponible, le niveau général des revenus, ainsi que la productivité et les coûts comme variables de l’offre. Pour les partisans du monétarisme, les modifications du niveau des prix reflètent les fluctuations de la monnaie disponible, définie traditionnellement par l’argent en numéraire et les comptes de dépôt à vue. Selon eux, pour que les prix soient stables, la masse monétaire doit s’accroître à un rythme stable adapté à la capacité de production réelle de l’économie. Les adversaires de cette théorie rétorquent que les modifications de la masse monétaire sont une conséquence, non une cause, des variations du niveau des prix.
La théorie du niveau général des ressources est fondée sur l’œuvre de l’économiste britannique John Maynard Keynes, publiée au cours des années 1930. Selon ce dernier, la consommation et l’investissement sont déterminés par les modifications du revenu national. Ainsi les dépenses budgétaires et la politique fiscale d’un gouvernement doivent-elles être utilisées pour maintenir des niveaux optimaux de production et d’emploi. Ensuite seulement, la masse monétaire doit être ajustée de manière à financer le niveau désiré de croissance économique tout en évitant des crises économiques et des taux d’intérêt élevés qui décourageraient la consommation et l’investissement. Ainsi, selon cette théorie, les dépenses publiques et la politique fiscale peuvent être utilisées pour compenser l’inflation et la déflation par un ajustement de l’offre et de la demande.
La troisième théorie se concentre sur les éléments relatifs à l’offre. Ceux-ci incluent le rythme à long terme de l’investissement en capital et le progrès technologique, les modifications de la composition et de l’âge de la force de travail, le déplacement des activités industrielles, la rapide prolifération des réglementations nationales, le détournement de l’investissement vers des usages non productifs, la rareté croissante de certaines matières premières, les événements sociaux et politiques qui ont réduit les incitations à travailler, ainsi que des chocs économiques divers tels que problèmes monétaires et commerciaux, augmentations importantes du prix du pétrole et récoltes désastreuses dans l’une ou l’autre partie du monde. Ces problèmes relatifs à l’offre peuvent jouer un rôle important dans l’élaboration de politiques monétaires et budgétaires.

CONSÉQUENCES

Les effets spécifiques de l’inflation ou de la déflation se mêlent et varient dans le temps. La déflation est généralement causée par le ralentissement de la production économique et le chômage. Des prix bas peuvent finir par encourager la consommation, l’investissement et le commerce extérieur, mais seulement à condition que les causes fondamentales de la détérioration initiale aient été corrigées.
L’inflation commence par accroître les bénéfices commerciaux, car les salaires et les autres coûts augmentent moins vite que les prix, ce qui permet plus d’investissements et de plus gros paiements de dividendes et d’intérêts. De plus, les dépenses personnelles augmentent parfois grâce à une anticipation des augmentations futures et, dans l’immobilier, l’espoir de voir monter les prix peut également attirer des acheteurs. L’inflation intérieure peut améliorer provisoirement la balance commerciale dans la mesure où le même volume d’exportations peut être vendu plus cher. Enfin, les dépenses publiques augmentent parce que de nombreux programmes sont, officiellement ou non, indexés sur l’inflation pour maintenir la valeur réelle des services publics et des transferts de ressources. L’État peut également anticiper le paiement de budgets plus importants avec les recettes fiscales provenant de revenus gonflés par l’inflation.
Néanmoins, malgré tous ces avantages temporaires, l’inflation finit par dérégler les activités économiques normales, surtout si son rythme varie. Les taux d’intérêt tiennent généralement compte du rythme d’inflation anticipé qui alourdit les coûts de production, décourage la consommation et fait baisser la valeur des actions et des obligations. La hausse des taux des prêts hypothécaires et l’envolée des prix de l’immobilier découragent la construction. L’inflation érode le pouvoir d’achat réel des revenus et des actifs financiers, ce qui réduit la consommation, surtout si les consommateurs ne peuvent pas ou ne veulent pas utiliser leur épargne ou accroître leurs dettes personnelles. L’investissement souffre du déclin général de l’activité économique et les profits sont limités dans la mesure où les employés demandent à ce que l’inflation qui frappe leurs revenus soit compensée par des mécanismes automatiques de hausse des salaires. La plupart des matières premières et des coûts d’exploitation réagissent très rapidement aux signaux inflationnistes. Des prix plus élevés finissent par nuire aux exportations, provoquant des déficits dans le commerce extérieur et entraînant des problèmes de taux de change. L’inflation est un élément essentiel dans les booms et récessions des cycles économiques, qui provoquent des distorsions indésirables dans les prix et l’emploi, ainsi qu’une incertitude généralisée quant aux performances futures de l’économie.
Les effets de l’inflation sur chaque individu dépendent de nombreux facteurs. Les catégories de population dont les revenus sont relativement fixes, particulièrement dans les catégories de bas revenus, souffrent de l’inflation, alors que celles dont le revenu est plus flexible ou négociable peuvent le maintenir, voire l’accroître. Ceux qui dépendent d’avoirs à valeur nominale fixe, tels que comptes d’épargne, pensions, assurances ou titres de créance à long terme, souffrent de l’érosion de la richesse réelle. En revanche, ceux dont les avoirs ont une valeur fluctuante, comme les biens immobiliers, les objets d’art, les matières premières et les biens permanents, peuvent maintenir ou accroître la valeur de leur patrimoine. Les salariés du secteur privé luttent pour introduire des indexations sur le coût de la vie dans leurs contrats de travail. Les emprunteurs bénéficient de l’inflation alors que les prêteurs en souffrent, car les prêts hypothécaires, personnels et commerciaux ainsi que les emprunts d’État sont remboursés avec de l’argent déprécié et les taux d’intérêt parviennent rarement à rattraper les taux d’inflation. Une « psychologie inflationniste » finit par inspirer toutes les décisions économiques, publiques ou privées.

MESURES DE STABILISATION

Tout effort réel de lutte contre l’inflation ne peut être que difficile, risqué et long, parce que la rigueur tend à réduire la production réelle et l’emploi avant même que son efficacité se manifeste, alors que les mesures de relance budgétaires et monétaires commencent au contraire par faire augmenter l’activité économique avant de faire monter les prix. Ce phénomène explique la prédominance des politiques de relance.
Les efforts de stabilisation tentent d’annuler les distorsions produites par l’inflation et la déflation en restaurant une activité économique normale. Pour être efficaces, ces efforts doivent être soutenus et ne pas se limiter à des mesures d’ajustement occasionnelles, qui souvent ne font qu’amplifier les variations cycliques. Une condition essentielle de succès est une croissance stable de la monnaie et du crédit ajustée à la croissance réelle et aux besoins des marchés financiers. À long terme, la banque centrale peut influer sur la disponibilité et le coût de l’argent et du crédit en faisant varier le seuil des réserves financières obligatoires des banques, mais également par d’autres mesures. Lors des phases cycliques d’expansion, la rigueur monétaire réduit la pression inflationniste. Dans les phases cycliques de récession, au contraire, une politique accommodante contribue à la remise sur pied des finances. Mais les autorités monétaires ne peuvent restaurer la stabilité économique de façon unilatérale si la consommation et l’investissement privés provoquent des pressions inflationnistes ou déflationnistes ou si d’autres mesures prises par le gouvernement ont un effet opposé aux leurs. Les dépenses publiques et la politique fiscale doivent être cohérentes avec la politique monétaire pour parvenir à créer la stabilité et éviter des revirements exagérés dans la politique économique.
Les déficits budgétaires importants des gouvernements doivent notamment être financés par l’emprunt ou par la planche à billets. Le recours à cette dernière méthode entraîne inévitablement une pression inflationniste. Pour être efficaces, les efforts de stabilisation doivent comprendre des mesures monétaires et budgétaires cohérentes et soutenues.
Pour combattre l’inflation et éviter la stagnation que crée une déflation, il est important d’agir également sur l’offre. Les moyens d’action comprennent une augmentation des incitations à l’épargne et à l’investissement, des efforts financiers dans la recherche et le développement de la technologie, l’amélioration des techniques de gestion et de la productivité du travail par la formation, des efforts importants pour entretenir les sources de matières premières et en développer de nouvelles, ainsi que la réduction des réglementations superflues.
Certains analystes préconisent l’utilisation de diverses mesures sur les revenus pour combattre l’inflation. Ces mesures vont des cadres de réglementation obligatoires fixés par le gouvernement pour les salaires, les prix, les loyers et les taux d’intérêts à de simples propositions facultatives, en passant par des incitations ou des dissuasions fiscales. Les partisans de ces actions considèrent qu’une intervention de l’État peut compléter les mesures monétaires et budgétaires de base. Leurs adversaires soulignent l’inefficacité des programmes de contrôle engagés par les nations industrialisées dans le passé et mettent en question l’aspect positif d’un accroissement des interventions de l’État dans les décisions économiques privées. Il est probable que, dans le futur, les mesures de stabilisation se concentreront sur une coordination des mesures monétaires et budgétaires et sur un renforcement des actions sur l’offre pour restaurer la productivité et développer de nouvelles technologies.
Tous les problèmes nationaux d’inflation et de déflation, ainsi que les politiques relatives à ces problèmes, prennent une importance accrue dans le contexte de mobilité des investissements et de la spéculation des marchés déréglementés et mondialisés de la fin du XXe siècle. Lorsque les milieux financiers internationaux peuvent changer en quelques minutes la valeur d’une monnaie ou plonger un pays dans la récession parce qu’ils fuient des mesures inflationnistes, la stabilité économique ne peut être préservée que par une gestion rigoureuse.


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