LA DÉCOLONISATION AU SÉNÉGAL
INTRODUCTION
Après la conquête coloniale le Sénégal devient une colonie française partagée en deux territoires distincts : les territoires annexés des « 4 communes » (DAKAR ,GOREE,RUFISQUE, ST-LOUIS) où les populations sont considérées comme des « citoyens français »,et les territoires protégés de l’intérieur du Sénégal où les populations sont considérées comme des sujets français .Mais quelque soit le statut où se trouvaient les populations indigènes, celles-ci vivaient les mêmes conditions de pauvreté et de misère, de marginalisation politique, économique et sociale. En fait tous les pouvoirs étaient concentrés entre les mains du Gouverneur de la colonie et de ses collaborateurs blancs et métisses. Outre l’exploitation des populations, la France pillait les ressources naturelles et agricoles de la colonie. C’est dans ce contexte qu’est né le nationalisme sénégalais qui va s’organiser autour de partis politiques, de syndicats, d’organisations de paysans et d’étudiants, pour mener la lutte anti-coloniale.
I- LA LUTTE ANTI-COLONIALE
La lutte anti-coloniale ne devient effective qu’après la 2éme guerre mondiale lorsque la France décide de mettre en vigueur les conclusions de la Conférence de Brazzaville. C’est ainsi que dans le processus de cette lutte on distingue les étapes suivantes :
La Conférence « africaine- française de BRAZZAVILLE » de 1944.
En 1944 la France est assurée de la victoire prochaine des Alliés sur les pays de l’Axe. Elle envisage de réorganiser ses colonies d’Afrique noire pour mieux les exploiter mais aussi pour se protéger des menaces des mouvements anti-coloniaux qui se profilent en Asie et en Afrique du nord (Vietnam, Egypte, Algérie).C’est pourquoi pour réaffirmer son autorité dans les territoires coloniaux, la France convoque du 30 janvier au 8 février 1944 la conférence de Brazzaville. Celle-ci apparaît comme une rencontre visant les états généraux de la colonisation en Afrique noire. Elle regroupe les gouverneurs des colonies, les commandants de cercles et les hauts fonctionnaires de l’administration coloniale française. Aucun Africain de l’AOF, de l’AEF et de Madagascar n’a été invité. Les nationalistes africains qui avaient soutenu la France dans la guerre avaient pourtant fondé beaucoup d’espoir sur cette conférence, s’attendant à une évolution favorable de leurs colonies vers l’autonomie interne. Mais à la fin de la conférence la France prend des mesures visant à réaffirmer la consolidation du pouvoir colonial et surtout l’exploitation des ressources naturelles. C’est pourquoi à la fin de la guerre en 1945 la lutte anti-coloniale se radicalise à travers des manifestations de protestations populaires qui vont obliger la France à entreprendre la réforme du statut de ses colonies.
2-la réforme de l’UNION FRANÇAISE de 1946
A la fin de la 2ème guerre mondiale le contexte international est favorable à la décolonisation. En fait l’ONU, les USA et l’URSS sont opposés à toute forme de domination coloniale. En plus il faut ajouter qu’en Indochine Hô Chi MINH était sur le point de déclencher la guerre de libération nationale. La France soumise à cette multiple pression aussi bien interne qu’externe, décide de mettre sur pied une nouvelle Constitution à laquelle les députés sénégalais à l’Assemblée nationale française, Lamine GUEYE et Léopold S. SENGHOR ont participé à l’élaboration. Cette constitution propose un nouveau statut pour les colonies françaises d’Afrique Noire et d’Asie. Il s’agissait de les transformer en « Départements français d’Outre-mer » et en « Territoires français d’Outre-mer » communément appelés les DOM-TOM. La France décide ensuite de s’associer avec les DOM-TOM dans une union : c’est « l’UNION FRANÇAISE ».En Asie Hô Chi MINH rejette cette proposition alors qu’en Afrique noire les nationalistes modérés l’acceptent car « l’Union- Française » offrait un certain nombre de privilèges qui allaient faciliter la lutte anti-coloniale. Ex : une Assemblée territoriale est créée dans chaque colonie, les droits d’association et de réunion sont autorisés ainsi que la liberté de presse. Un Conseil législatif est élu et chargé de voter le budget colonial et de fixer les tarifs des impôts. Au Sénégal Lamine Guéye propose une loi qui porte son nom « la loi Lamine GUEYE » qui demande la suppression de l’indigénat et l’extension de la citoyenneté française à toutes les populations de la colonie. Cette réforme va déclencher dans la colonie un enthousiasme politique intense : Senghor en profite pour quitter le parti de Lamine GUEYE la SFIO (la Section Française de l’Internationale Ouvrière). Il fonde avec son ami Mamadou DIA le Bloc Démocratique Sénégalais (BDS).Celui-ci remporte les élections de l’Assemblée territoriale en 1951. Plusieurs paris politiques apparaissent dans la scène politique, notamment l’Union Démocratique Sénégalaise (UDS) de Maître Doudou GUEYE et le Parti Africain pour l’Indépendance (PAI) de Majmout DIOP. Toutes ces formations vont revendiquer l’indépendance du Sénégal mais dans la rivalité car chaque parti va chercher à s’attirer le plus grand nombre d’électeurs. La France profite pour quelques temps de cette division, mais la fin de la guerre en Indochine (juillet.1954) et le début de la confrontation militaire en Algérie suivie de la conférence de Bandoeng en 1955 remettent la pression anti-coloniale sur la France. C’est dans ce contexte qu’en 1956 que la France se voit obligée de procéder à une 2nd réforme.
3- La réforme de la « LOI CADRE » ou LOI GASTON DEFERRE de 1956
En juin 1956 le Parlement français adopte une loi proposée par le ministre des colonies Gaston Deferre : c’est la LOI CADRE ou loi GASTON DEFERRE. Cette loi introduit une sorte d’autonomie interne dans les colonies d’A O F. En fait, elle accroît les pouvoirs de l’Assemblée territoriale et introduit le collège unique ainsi que le suffrage universel. Cette mesure va constituer une promotion pour les populations indigènes dans les colonies où il est institué un Exécutif local appelé le Conseil du Gouvernement. Au Sénégal, Mamadou DIA est nommé vice-président de ce Conseil alors que la présidence est réservée au Gouverneur de la colonie. Il faut noter qu’à cette période la vie politique avait redoublé d’intensité par le renforcement des Partis à travers des associations et des fusions diverses. Ex : le BDS fusionne avec l’UDS pour donner naissance au BPS (Bloc Progressiste Sénégalais).Celui-ci va remporter les élections législatives de 1957 face au parti de Lamine GUEYE appelé le PSAS (Parti Sénégalais d’Action Socialiste). Plus tard, le BPS et le PSAS vont fusionner pour donner naissance à l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS). Cependant toutes ces réformes de la loi cadre n’ont pas satisfait les aspirations des nationalistes pour l’indépendance. En fait, les vrais pouvoirs de décisions restent toujours entre les mains de la France à travers le gouverneur de la colonie et de ses proches collaborateurs. Avec l’indépendance de la Gold- Coast en 1957, la loi cadre paraît dépassée. Sous la pression plus insistante des nationalistes la France va procéder à son ultime réforme qui conduit à la marche vers l’indépendance de ses colonies d’AOF.
II- LA MARCHE VERS L’INDEPENDANCE : LA REFORME DE LA COMMUNAUTE AFRICAINE DE 1958
Il faut rappeler qu’en 1957 éclate la crise algérienne qui provoqua la chute du gouvernement métropolitain français. Le général DE GAULE est rappelé au pouvoir le 1er juin 1958.Il fait adopter une nouvelle constitution le 28 juillet 1958 (celle instituant la 5e République) dans laquelle De GAULE envisage une réforme des colonies par la création de la « COMMUNAUTE FRANCOAFRICAINE ».Celle-ci regrouperait la France et ses colonies dans une sorte de confédération. A cet effet De GAULE va faire une tournée au mois d’août 1958 dans les colonies d’Afrique noire pour proposer aux populations indigènes un référendum d’autodétermination. Il s’agissait de voter « OUI » pour rester dans la communauté, ou de voter « NON » pour aller à l’indépendance immédiate (seule la Guinée Conakry de Sékou TOURE a voté le NON). Au Sénégal les avis sont partagés : l’UPS de Senghor et L. Gueye propose de voter « OUI. ». Ce qui va provoquer une scission en son sein car Abdoulaye Ly, Amadou Moctar MBOW et Assane SECK quitte l’UPS réclamant de voter « NON ». Ils vont créer plus tard le Parti du Rassemblement Africain du Sénégal (PRA). Malgré l’agitation populaire pour le NON à Dakar, l’UPS remporte la victoire avec 870 000 voix OUI contre 21000 voix NON. Le Sénégal demeure dans la communauté franco-africaine. Mais la réalité est que dans cette communauté le pouvoir de commandement demeure toujours entre les mains de la France. Ex : la présidence, la politique étrangère, l’économie, la défense, la communication, la justice l’enseignement supérieur sont confisqués par les autorités coloniales françaises. C’est pourquoi en janvier 1959 Senghor du Sénégal et Modibo Keita du Soudan occidental décident de regrouper le Sénégal, le Soudan, la Haute-Volta, le Niger, le
Dahomey, la Côte-d’Ivoire et la Mauritanie dans une fédération appelée « la Fédération du MALI ».Mais tous les autres pays finiront par se retirer pour limiter la fédération à ses deux premiers initiateurs. Le 4 Avril 1959, le Sénégal et le Soudan obtiennent le transfert des compétences de la communauté. C’est ainsi que Modibo KEITA est nommé président du gouvernement fédéral, Mamadou Dia vice-président, Senghor président de l’Assemblée fédérale ; Dakar est la capitale de la fédération. La Fédération du Mali demanda alors l’indépendance que la France accepta après avoir signé un accord de coopération technique et économique avec les deux pays. Le 20 Janvier 1960 la Fédération du Mali est déclarée officiellement indépendante. Mais l’expérience fédérale va éclater très bientôt en raison de l’opposition entre dirigeants sénégalais et soudanais pour des raisons non encore très élucidées. En fait dans la nuit du 19 au 20 Août 1960 la Fédération du Mali éclate. Le 20 Août au matin, le Sénégal proclame officiellement son indépendance. Senghor est choisi comme président de la République du Sénégal et Mamadou DIA comme chef du gouvernement. La date du 4 Avril est retenue comme date officielle de commémoration de l’indépendance du Sénégal.
CONCLUSION
Au mois d’Août 1960, le Sénégal est enfin indépendant. Après une longue lutte politique marquée par plusieurs réformes successives, la France a fini par accepter l’indépendance en raison de la détermination des nationalistes, notamment de leurs leaders politiques SENGHOR, L. GUEYE et Mamadou DIA.