LE PARNASSE

LE PARNASSE

Le mont Parnasse est, dans la mythologie grecque, le lieu de résidence d’Apollon et des neuf Muses. L’usage métonymique de ce nom pour désigner une assemblée de poètes est déjà ancien lorsque l’éditeur Alphonse Lemerre publie à partir de 1866 une anthologie de poésie moderne qui prend le nom de Parnasse contemporain. Le mot désigne tout de suite ces poètes qui se reconnaissent dans leur réaction contre le Romantisme. D’abord groupés autour de Théophile Gautier, ils se réunissent le samedi soir chez Leconte de Lisle ou José-Maria de Hérédia : Banville, Villiers de l’Isle-Adam, Sully Prudhomme, François Coppée apparaissent comme les plus représentatifs. À l’épanchement personnel, les Parnassiens opposent un souci d’impersonnalitéqui leur fait fuir les facilités du lyrisme. Leurs métaphores, constamment empruntées au domaine de la sculpture, prônent letravail poétique, résolument asservi au culte d’une forme parfaite. Loin de l’engagement social des Romantiques, ils se prononcent enfin pour une retraite hautaine, tout entière vouée à la célébration d’une Beauté divinisée. Ces tendances se prolongeront dans le Symbolisme.

I. Le Beau

Profondément déçus dans leurs aspirations révolutionnaires, les Parnassiens ont manifesté le souci de sortir l’Art de l’arène politique et, plus généralement, des visées sociales que lui assignait le Romantisme. Leur célébration du Beau trouva dès lors un équivalent acceptable dans la beauté plastique de la statuaire hellénique, dont la chaste perfection, alliée au gage que lui donne la durée temporelle, s’oppose aux contingences de l’Histoire. Pour exprimer ce «rêve de pierre», les images et les symboles deviennent systématiques : cygnes immaculés, statues impassibles, pics neigeux, saltimbanques amoureux des étoiles.

II- Le travail poétique

La recherche d’une Beauté idéale et la place donnée au poète dans la société ne pouvaient manquer de générer une conception nouvelle du travail poétique. Celui-ci est assimilé par les Parnassiens à un effort acharné pour extraire de la matière la plus dure une forme impérissable, « comme un divin métal au moule harmonieux » (Leconte de Lisle).Le poète devient ainsi sculpteur ou ciseleur, préoccupé par la plastique plus que par l’Esprit. Théophie Gautier choisit pour son recueil de 1852 le titre d’Émaux et Caméesqu’il justifie ainsi : «Ce titre exprime le dessein de traiter sous forme restreinte de petits sujets, tantôt sur plaque d’or ou de cuivre avec les vives couleurs de l’émail, tantôt avec la roue du graveur de pierres fines, sur l’agate, la cornaline ou l’onyx. Chaque pièce devait être un médaillon à enchâsser sur le couvercle d’un coffret, un cachet à porter au doigt, serti dans une bague, quelque chose qui rappelât les empreintes de médailles antiques qu’on voit chez les peintres et les sculpteurs. Mais l’auteur ne s’interdisait nullement de découper dans les tranches laiteuses ou fauves de la pierre un pur profil moderne, et de coiffer à la mode des médailles syracusaines des Grecques de Paris entrevues au dernier bal. L’alexandrin était trop vaste pour ces modestes ambitions, et l’auteur n’employa que le vers de huit pieds, qu’il refondit, polit et cisela avec tout le soin dont il était capable. » (Histoire du Romantisme, 1874). C’est sur ce primat accordé à la forme que les Symbolistes feront plus tard porter leurs objections.

III- « L'Art pour l'Art »

Dans le vieux débat du beau contre l’utile, les Parnassiens se sont prononcés, contre les Romantiques, pour l’absolue gratuité de l’art : « L’art est-il utile ? Oui. Pourquoi ? Parce qu’il est l’art », note Baudelaire(Les Drames et les romans honnêtes, 1857).C’est refuser l’engagement du poète dans les luttes sociales de son temps et rêver d’une utilité plus haute qui ne doive rien aux besoins immédiats. Au plus fort de l’agitation politique des années 1848-1851, Gautier exprimera superbement cette indifférence : « Comme Goethe sur son divan / A Weimar s’isolait des choses / Et d’Hafiz effeuillait les roses, // Sans prendre garde à l’ouragan / Qui fouettait mes vitres fermées, / Moi, j’ai fait Émaux et Camées. (Préface d’Émaux et Camées).

IV. L'impersonnalité

Contre l’épanchement lyrique des Romantiques, jugé impudique et ridicule, les Parnassiens ont cultivé la distance et l’objectivité. «Le thème personnel et ses variations trop répétées ont épuisé l’attention», note Leconte de Lisle. Ceci conditionne la thématique parnassienne, volontiers tournée vers l’évocation des civilisations anciennes, les paysages pittoresques, la méditation philosophique ou scientifique.


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