QUELQUES SYNTHÈSES EN ECONOMIE DE DÉVELOPPEMENT
Commerce et développement : entre rattrapage et marginalisation
Le Tiers Monde est un concept qui ne revêt guère de réalités aujourd’hui. Il n’y a pas d’homogénéité commerciale des PED. Si certains (peu nombreux) ont clairement gagné des parts de marché au cours des deux dernières décennies, d’autres (les plus nombreux) éprouvent toujours autant de difficultés à s’insérer dans le commerce international.
• Le constat
Le commerce mondial est avant tout une affaire de pays à revenu élevé. Moins du quart des exportations de marchandises est réalisé par les pays à revenu faible et intermédiaire. Hors des pôles Europe Occidentale (centré sur l’Union européenne), Nord-américain (zone d’association de libre échange nord américaine (ALENA) et Asie de l’Est : Japon et quelques nouveaux pays industrialisés (NPI) satellites, les flux commerciaux apparaissent comme particulièrement faibles. On peut évoquer l’idée d’une marginalisation de sous-continents voire de continents entiers, concernant généralement des PED. Ainsi, si on excepte les NPI asiatiques et les économies dites en transition, les autres PED réalisent moins de 10 % des exportations mondiales.
• L’évolution
Les Pays en développement (PED) sont passés d’environ 30% des exportations mondiales dans les années 50 à environ 20% aujourd’hui. La chute semble s’être enrayée depuis vingt ans et le chiffre s’est même légèrement redressé au cours de la décennie 90.
• Les dynamiques régionales sont particulièrement dispersées.
Toutes les régions du monde en développement n’ont pas bénéficié de la même manière de l’accélération du commerce international pendant les années 90. La croissance des exportations a été particulièrement vive en Amérique Centrale et du Sud et bien sur en Asie. Pour ce dernier continent, la performance de la Chine est spectaculaire et tire le résultat régional vers le haut. Dans le même temps, il convient d’observer que la croissance des exportations africaines, de celles du Moyen Orient et des pays d’Europe Centrale et Orientale a été inférieure à la dynamique mondiale ce qui confirme le processus de marginalisation.
• La nature des produits exportés
En classant les pays en fonction de leurs principaux produits d’exportation, on relève que les PED exportateurs de produits primaires (hors combustibles) ont cumulé un retard important sur les vingt dernières années. Les PED exportateurs de produits manufacturés ont accru leurs exportations beaucoup plus rapidement.
Les caractéristiques du commerce extérieur des PED :
Concentration et instabilité des recettes d’exportation
• La structure particulièrement concentrée des exportations
Les produits de base représentent 25% du commerce mondial des marchandises, ils fournissent souvent plus de 50% des recettes d’exportation pour les P.E.D.. Même en excluant les économies pétrolières, il n’est pas rare de trouver un seul produit à l’origine de plus du tiers des recettes.
Ainsi, la Zambie est très dépendante du cuivre, comme l’Ouganda et l’Éthiopie le sont du café et le Malawi du tabac. Si de nombreux pays d’Afrique Subsaharienne sont dans cette situation, on note également la présence de représentants d’autres zones régionales : Pakistan pour le coton, Honduras pour la banane ou Maurice pour le sucre. L’image d’économies monoexportatrices est une réalité pour une quinzaine d’économies à revenu faible ou intermédiaire.
• L’instabilité des cours
Il est facile d’observer l’importance de l’instabilité. Ainsi les cours du caoutchouc naturel sont montés de 70% entre 1993 et 1995 avant de perdre 44% entre 1996 et 1998. Le prix du café a plus que doublé en 1993/94 et chuté de 32% en 1995/96. Pour les produits d’origine minérale, on observe des phénomènes analogues. Les systèmes conçus pour traiter une instabilité de court terme sont peu opérationnels face à des mouvements persistants. Sur la seconde moitié du XXe siècle, les marchés de matières premières ont surtout été caractérisés par des chocs longs voire permanents (pétrole, café robusta, étain, cacao).
• Les chocs en volume peuvent amplifier ou compenser les chocs de prix.
Si le marché subit un choc de demande négatif les recettes d’exportation baisseront sous le double effet d’une baisse des cours et d’une réduction des volumes achetés. Par contre, un choc d’offre négatif aura des effets contradictoires : la disparition momentanée (aléas climatiques ou politiques) d’un offreur exercera une pression à la hausse sur les cours profitant aux autres exportateurs.
Les termes de l'échange
Le commerce des PED est également soumis à des tendances de prix de long terme. L’évolution des termes de l’échange résume cette problématique.
Les années 70 avaient été plutôt marquées par une amélioration des termes de l’échange de ces pays à la suite de nombreux chocs favorables sur les marchés de matières premières La décennie 80 s’est traduite par une nette dégradation des termes de l’échange des P.E.D (-3,5% par an en moyenne) alors que ceux des pays industrialisés augmentaient sensiblement.
Le Moyen-Orient est la principale victime de cette tendance ce qui suggère que le pétrole, principal produit d’exportation de cette région, en est la cause essentielle.
Cependant, il convient de ne pas oublier que les autres régions en développement ont également subi une détérioration sensible de leurs termes de l’échange (-3,1 % par an pour l’Amérique Latine par exemple). La décennie 90 semble moins défavorable dans l’ensemble. Mais on est très loin de rattraper le retard accumulé au cours des dix années antérieures.
• Le débat sur l’analyse de Prebisch Singer
Selon Raul Prebisch et Hans Singer, les termes de l’échange des économies exportatrices de produits primaires se seraient détériorés depuis le milieu du XIXe siècle. À partir du constat empirique, ces deux auteurs vont mobiliser deux familles d’explications pour aboutir à la conclusion que l’échange international peut ne pas être bénéfique pour les économies jeunes.
a) Du côté de la demande, il s’agit de reprendre les lois d’Engel. En même temps que le revenu mondial augmente, la structure de la demande se modifie. Les produits inférieurs, essentiellement des produits primaires, voient leur poids relatif (voire absolu) diminuer dans le panier de consommation. Dès lors les tendances de prix seront défavorables à ces produits relativement aux produits supérieurs tels que les biens manufacturés.
b) Du côté de l’offre, le fonctionnement des marchés des biens et des facteurs de production relève de logiques différentes dans les économies du Nord et du Sud. Au Nord, les marchés de biens industriels sont plutôt oligopolistiques et bien organisés. Les gains de productivité ne se traduisent pas par des baisses de prix mais plutôt par une meilleure rémunération des facteurs, en particulier du facteur travail. Au Sud, les marchés de biens primaires sont fortement concurrentiels ou à tendance oligopsonique (peu d’acheteurs). La force de travail est moins bien organisée. Dès lors, les gains de productivité profitent essentiellement aux consommateurs par des baisses de prix.
Des travaux empiriques plus récents continuent d’alimenter ce débat autour d’une baisse séculaire des termes de l’échange
Les leçons des modèles classiques et néo-classiques de l’échange international
Depuis Ricardo (1817) et sa théorie de l’avantage comparatif, il est enseigné qu’à partir du moment où il existe des écarts de coûts relatifs de production entre pays, il y a intérêt à se spécialiser et à pratiquer l’échange international. Le problème n’est donc pas de disposer d’une productivité sectorielle absolue supérieure à celle des autres compétiteurs. Ce résultat est très puissant puisqu’il implique que par définition, chaque pays bénéficie forcément d’un avantage relatif ou comparatif. Autrement dit, les pays les plus pauvres de la planète, ceux dont on imagine qu’ils souffrent d’un manque de productivité globale de leurs facteurs de production, trouveront néanmoins un intérêt à se spécialiser (dans les secteurs où ils sont relativement moins désavantagés) et à commercer. De même, les pays riches gagnent à échanger avec les pays à structures productives différentes et disposent de branches d’activité où ils sont relativement avantagés. C’est cet écart (de productivité et donc de rémunération) qui est à la source des gains du libre-échange…
Le modèle néo-classique de l’échange international (Heckscher-Ohlin-Samuelson) complète ce premier résultat en offrant une explication des écarts de coûts relatifs. Ces derniers sont liés aux différences de dotations factorielles entre pays. Il y a des pays richement dotés en facteur travail, d’autres disposent de relativement plus de capital et de technologie et enfin certains ont d’importantes ressources naturelles. Les spécialisations et les flux commerciaux vont résulter de cette diversité, de cette complémentarité. Si chaque pays se spécialise dans la production des biens qui utilise intensément les facteurs abondants (et donc peu coûteux), le libre-échange devient une clef pour une organisation efficace de la production mondiale ce qui améliore la situation de tous les consommateurs. Ces derniers sont alors assurés que les produits qui sont offerts sont fabriqués par les producteurs les plus performants. Le commerce international est vu ici comme un commerce de complémentarité ce qui est particulièrement pertinent dans le cas des relations Nord-Sud.
Ces résultats sont obtenus dans un cadre hypothétique que l’on peut discuter et ils laissent peu de place aux questions de transition et de dynamique à long terme. L’hypothèse de concurrence parfaite qui est nécessaire pour conclure à l’efficience des marchés est rarement observée. Cela ne remet pas en cause le résultat scientifique de ces modèles mais en relativise la portée normative. De même, considérer les facteurs de production comme parfaitement mobiles entre secteurs (à l’intérieur de chaque pays) évite de se poser des questions sur d’éventuels coûts transitoires quand les spécialisations changent avec le temps. Enfin, les spécialisations apparaissent comme strictement équivalentes, ce qui est logique quand on ne considère pas certains effets externes qui ont pourtant impact considérable sur les trajectoires de développement des pays.
Le commerce international produit des effets puissants en matière de répartition des revenus (théorème de Stolper-Samuelson). Si chaque pays participant à l’échange est censé accroître le niveau de bien-être global de sa population, cela ne signifie pas que chaque individu se trouvera dans la même situation. Les offreurs des différents facteurs de production seront gagnants ou perdants en fonction de la spécialisation de leur économie. Les gagnants seront les détenteurs des facteurs abondants puisque la spécialisation augmente la production des biens qui les utilisent intensément. A contrario, les offreurs de facteurs rares seront mis en concurrence avec les facteurs étrangers via les importations. La politique économique propre à chaque pays doit alors assurer un partage équitable du gain social net qui est positif.
Le commerce international en concurrence imparfaite :
Une remise en cause partielle des bienfaits du libre-échange
• Une approche où les biens sont différenciés
Les consommateurs expriment une demande de variétés et les firmes y répondent par une segmentation (horizontale ou verticale) conduisant à un marché de type concurrence monopolistique. La demande de différence va dans le sens d’une multiplication des segments, d’un élargissement des gammes. La solution consiste au développement d’un commerce international de type intra-branche où chaque firme (pays) se spécialise sur un segment de demande et exploite les rendements croissants. Ce commerce est aujourd’hui dominant dans les échanges internationaux et concerne pour l’essentiel les relations Nord Nord. C’est un commerce de similitude entre pays à niveau de développement proche.
• L’analyse spécifique des économies d’échelle externes
Les économies d’échelle externes entraînent la baisse du coût moyen associé non plus à la taille de chaque firme mais à celle de la branche d’activité dans son ensemble.
a) Les économies d’échelle externes statiques apparaissent lorsque des équipements communs, des infrastructures publiques, des systèmes de recherche et de formation sont conjointement exploités par un plus grand nombre d’entreprises. Ceci en réduit le coût unitaire d’utilisation. Les nouvelles firmes et industries tendront à s’installer là où existe déjà un noyau d’activités. Un pays qui dispose d’une industrie de grande dimension bénéficie de fait d’un coût moyen de production plus faible, quelle que soit la taille de chaque entreprise qui le compose.
b) Concernant les économies d’échelle externes dynamiques, il s’agit d’intégrer les effets associés à l’apprentissage, à l’accumulation de la recherche-développement ou du capital humain. Les trajectoires de développement seront différentes selon que l’on se spécialise ou pas dans des branches d’activité génératrices d’externalités dynamiques.
Commerce international :
La dégradation des termes de l’échange dans l’histoire de la Pensée économique
Les économistes classiques, notamment David Ricardo, pensaient qu’il y aurait une tendance séculaire à l’amélioration des termes de l’échange dans les pays pauvres.
Pour une raison très simple. Ricardo, avant même de présenter sa théorie du commerce international avait posé ses hypothèses sur le cas de la rente. Il s’agit de la rente agricole qui résulte de la décroissance des revenus (ou de la productivité) marginale. Chaque fois qu’on conquiert de nouvelles terres parce que la population augmente et qu’il faut accroître la production de biens alimentaires, la production par hectare devient de plus en plus faible, de sorte qu’on est obligé de payer de plus en plus de rentes aux propriétaires fonciers. Cela absorbe une part de plus en plus importante des revenus. Ricardo pensait que l’on pouvait remédier à cela à l’échelle d’un pays comme la Grande-bretagne en supprimant les lois sur le blé et en important du blé des États-Unis. A l’échelle mondiale il y a un moment où se pose le problème : la quantité de terre étant limitée, il y aura un moment où on se heurtera aux limites, ce qui provoquera une augmentation du prix des matières premières. Donc, pour lui, le caractère limité des ressources de la planète devrait conduire à une augmentation du prix relatif des matières premières par rapport aux prix d’autres biens pour lesquels on n’a pas de rendements décroissants, notamment les biens industriels pour lesquels on a des rendements constants voire, par moments, croissants. Donc, l’opposition entre des biens primaires pour lesquels il y aurait des rendements décroissants et des biens industriels pour lesquels les rendements seraient constants ou croissants, fait que les pays spécialisés dans les biens primaires y gagneront à terme. Leurs prix relatifs augmentent et ils peuvent acheter de plus en plus de produits industriels pour la même quantité de produits primaires.
Ce fut l’idée suggérée par David Ricardo, Stuart Mill et un certain nombre d’économistes classiques attachés à cette conception de la disponibilité limitée de la terre. C’est d’ailleurs un thème qui revient de manière récurrente (relativement récemment, les travaux du Club de Rome du début des années 1970 qui étaient dans cette lignée : les ressources sont limitées, donc on va avoir un jour une catastrophe, une pénurie de matières premières, etc. Effectivement, au moment de la publication de leur rapport, les matières premières ont eu tendance à augmenter mais, depuis, elles ont diminué à nouveau.
Un effet pervers de la spécialisation :
Le cas du “syndrome hollandais”
Cette approche a d’abord été développée pour décrire les dysfonctionnements de l’économie hollandaise après la découverte et la mise en exploitation d’importants gisements gaziers dans les années 60. Comment réagit une économie bénéficiant d’un boom de prix ou découvrant d’importantes réserves d’une matière première à caractère stratégique ?
1) Un effet sectoriel
A la suite du boom, la spécialisation internationale s’accentue dans le secteur de la ressource naturelle. On observe un affaiblissement du secteur des produits manufacturés. Le secteur en boom capte l’essentiel des facteurs de production car les opportunités de profit et les salaires y sont plus élevés que dans le secteur industriel.
2) Un effet sur la demande
La hausse des recettes d’exportation liée au boom génère une élévation sensible du revenu et donc de la dépense. La part de la dépense allouée aux biens et services échangeables se manifeste par une croissance accélérée des importations et déséquilibre la balance courante. La part de la dépense qui s’oriente vers le secteur domestique (secteur abrité, non soumis à la concurrence des importations) exerce une pression inflationniste.
3) L’appréciation du taux de change
Les tensions inflationnistes alimentent une appréciation de taux de change (réel). Cette appréciation dégrade la compétivité-prix du secteur industriel exposé.
On observe enfin un accroissement du rapport prix des biens domestiques/prix des biens échangeables qui traduit une incitation à investir dans le secteur des biens et services non échangeables, car les opportunités de profit s’y améliorent. Au total, le secteur des biens manufacturés échangeables s’en trouve encore affaibli.
En conclusion, le boom de la ressource naturelle aura ainsi produit une “hyperspécialisation” dangereuse, des dysfonctionnements macroéconomiques (surchauffe inflationniste, appréciation du taux de change), une modification de la structure des prix relatifs en faveur du secteur abrité.
Les politiques commerciales nationales de développement
• La promotion des exportations
Une politique commerciale de promotion des exportations s’attache essentiellement à n’introduire aucun biais anti-exportation dans la politique économique. Elle combine :
– Une libéralisation du commerce extérieur ;
– un système tarifaire neutre ;
– un code d’investissement favorable aux firmes étrangères ;
– une politique de change qui évite la surévaluation.
Les arguments théoriques reposent d’abord sur les avantages attendus de la spécialisation et de l’échange international. En outre, la promotion des exportations stimule la croissance sans risque de déséquilibre extérieur, apporte des devises… Quand la promotion des exportations ne se limite pas à l’exploitation d’avantages traditionnels mais rechercher la diversification des biens exportables, on parle de substitution des exportations. Dans ce cas, des mécanismes incitatifs (subventions aux exportateurs, dévaluation, aides à l’investissement, à la recherche et à la formation…) sont mis en œuvre pour promouvoir les nouveaux secteurs.
• La substitution des importations
La politique commerciale de substitution à l’importation cherche plutôt à satisfaire la demande domestique en remplaçant progressivement des produits importés par la production locale. Cette stratégie répond généralement à des objectifs d’industrialisation, de croissance équilibrée et de réduction de la dépendance d’une économie à l’égard des marchés internationaux. Elle se traduit par une protection des secteurs jugés prioritaires. L’argument avancé est traditionnellement celui de l’industrie naissante qu’il convient d’isoler temporairement de la concurrence internationale jusqu’au point où ses coûts de productions soutiendront la comparaison. Une branche d’activités n’est réellement protégée que dans la mesure où les droits de douane lui permettent d’augmenter la valeur ajoutée. La protection de biens intermédiaires intervenant en amont de nombreuses activités est au contraire pénalisante pour les industriels. La surévaluation du taux de change qui, généralement, accompagne cette politique, vise en fait réduire le prix en monnaie nationale des biens importés. Il s’agit en fait de ne pas pénaliser les secteurs prioritaires en “subventionnant” les importations de biens d’équipement et intermédiaires.
Le bilan
Il a longtemps été avancé que les pays ayant suivi des politiques de substitution à l’importation ont échoué alors que ceux qui adoptaient des stratégies d’ouverture réussissaient.
La promotion des exportations permettrait au contraire d’exploiter la dynamique des marchés mondiaux, d’assurer une bonne allocation des ressources et d’éliminer les distorsions de prix. A l’inverse la substitution à l’importation occasionne des gaspillages de ressources liés aux effets traditionnels du protectionnisme (perte des consommateurs non compensée, rente des producteurs), provoque des blocages (dans les étapes plus complexes du remplacement) et accroît finalement la dépendance (biens intermédiaires et d’équipement).
Les études récentes se montrent plus prudentes dans l’arbitrage entre les différentes politiques commerciales de développement. Certains estiment que l’échec de la substitution doit être reconsidéré. Les nombreuses imperfections de marché justifieraient plutôt un protectionnisme correcteur ou du moins une politique commerciale active.
Les accords internationaux relatifs aux PED
1. Les accords de stabilisation des cours des matières premières
Dès les années 50, la communauté internationale s’est engagée dans une réflexion sur le fonctionnement des marchés primaires, relayée en cela par la première CNUCED de 1964. Une série d’accords par produit a ainsi vu le jour (sucre, étain, café, cacao, caoutchouc naturel). Leur objectif commun était de stabiliser les cours de ces produits de base en utilisant deux techniques : la mise en place d’un stock régulateur ou d’un système de quotas d’exportation. Aujourd’hui, seul l’accord sur le caoutchouc continue de fonctionner et le projet d’un programme intégré des produits de base (CNUCED 1976) a été abandonné. Les causes de cet abandon sont multiples, mais la principale est probablement la persistance des chocs affectant ces marchés, ce qui rend difficile toute intervention. Ces mécanismes sont conçus pour traiter une instabilité de court terme, pas des évolutions tendancielles.
Pour compenser a posteriori les pertes de recettes d’exportation, il existe deux types de mécanismes illustrés par : le financement compensatoire du F.M.I. et le STABEX/SYSMIN des Conventions de Lomé.
a) les mécanismes de financement compensatoire du FMI
Le mécanisme de financement compensatoire (institué en 1963) offre la possibilité d’un soutien financier lorsqu’un pays subit une chute de ses recettes d’exportation liée à des événements exogènes.
b) Les accords ACP (Conventions de Lomé)
De son côté, l’Union Européenne entretient des relations privilégiées avec les pays de la zone Afrique Caraïbes Pacifique (ACP) à travers les Conventions de Lomé renouvelées régulièrement depuis 1975. Elle offre une aide à long terme (dons ou prêts à conditions concessionnel) pour les flux bilatéraux qui subiraient une chute significative : STABEX pour les produits agricoles, SYSMIN pour les produits miniers. L’enveloppe budgétaire prévue à cet effet ne suffit généralement pas à satisfaire toutes les demandes pendant la durée d’une convention (5 à 10 ans en moyenne).
Signalons que l’instabilité peut-être traitée à l’aide des techniques de marché (futures, swaps, options) mais cela réclame une certaine expertise de la part des gouvernements et par ailleurs des marchés efficients, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Des tentatives de cartellisation ont aussi vu le jour afin de manipuler durablement les marchés en faveur des producteurs de certains biens stratégiques. Les difficultés de l’OPEP soulignent les obstacles qu’il y a à inscrire cette stratégie dans le long terme, même pour un produit comme le pétrole.
2. L’insertion des PED dans le commerce des produits manufacturés : le système généralisé des préférences (SGP)
En 1968, la Commission nationale des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (C.N.U.C.E.D) adoptait le principe d’une préférence tarifaire accordée aux P.E.D. pour leurs exportations de produits manufacturés vers les marchés industrialisés. Le Système Généralisé de Préférences (SGP) apparaît ainsi comme une entorse aux principes fondamentaux de l’accord général sur les tarifs douaniers (G.A.T.T, 1947), précurseurs de l’actuelle Organisation mondiale du commerce (OMC). Une négociation a été nécessaire. Elle a abouti en 1971. Par exception à la clause de la nation la plus favorisée et avec le principe de réciprocité, il s’agit de reconnaître que l’insertion des P.E.D. dans le commerce international mérite un traitement progressif et différencié. Les pays industrialisés consommateurs favorisent l’importation de produits finis et semi-finis en provenance des P.E.D. Si le mécanisme général semble “généreux”, son application est cependant limitée. En effet, le système est négocié par chaque pays industrialisé, pour une liste de produit prédéfinie, avec la possibilité d’une suspension du mécanisme en cas de crise dans le pays importateur (clause de sauvegarde).
Outre le fait que le SGP n’a pas empêché la marginalisation de la majeure partie des P.E.D. dans le commerce international (baisse de la part de marché, hors N.P.I.), il est aujourd’hui remis en cause comme l’est d’ailleurs le système des conventions de Lomé. Le débat qui est maintenant introduit au sein de l’O.M.C., notamment par les États-Unis, est de savoir ce qui légitime le traitement différencié des P.E.D. ou de certaines zones régionales en développement (pays ACP pour les conventions de Lomé). Nous assistons à un retour en force des principes de base du G.A.T.T. à savoir la règle du libre échange. Les seules entorses acceptables relèvent dorénavant des accords d’intégration régionale.
3. Le mouvement d’intégration régionale entre économies inégalement développées
La régionalisation apparaît comme une tendance lourde de la mondialisation et en particulier des relations nord-sud.
• Une multiplication des accords régionaux Nord-Sud et Sud Sud
Les exemples d’intégration régionale formalisée par un accord institutionnel se multiplient depuis quelques années. L’implication des P.E.D. dans ce mouvement est croissante, qu’elle résulte de la signature de nouveaux accords (ALENA, MERCOSUR) ou de l’élargissement de zones régionales existantes (accords d’association entre l’UE et les Pays d’Europe Centrale et Orientale ou les Pays du Sud Méditerranéen).
L’intégration régionale Sud Sud est une réalité ancienne. En Afrique, la Communauté Économique de l’Afrique de l’Ouest a été instituée en 1972, l’Union Douanière de l’Afrique Centrale en 1973 et celle de l’Afrique Australe (S.A.C.U.) dès 1969. L’Association des Nations du Sud-est Asiatique est une zone de libre-échange en place depuis 1967. En Amérique Latine le Pacte Andin (en 1969), le Marché Commun d’Amérique Centrale (depuis 1960) et la Communauté des Caraïbes (CARICOM, 1973) témoignent de cette volonté de coopération régionale. La nouveauté de la décennie 1990 est plutôt la mise en relation d’économies inégalement développées dans le processus de régionalisation (accords nord-sud).
• Les perspectives de l’intégration comme mode de coopération
Les résultats en termes d’intensification des échanges sont inégaux selon les régions. Si l’Amérique Latine fournit un exemple d’accroissement des échanges intra zone soutenu par une intégration formelle, L’Asie de l’Est propose un résultat similaire sans réelle coopération politique. A l’inverse, les nombreux exemples d’accords régionaux en Afrique Subsaharienne n’offrent pas beaucoup de résultats spectaculaires (à l’exception de la zone australe). Ainsi, il semble que l’adoption d’accords régionaux ne soit ni une condition nécessaire ni une condition suffisante à l’intensification des échanges à l’intérieur d’un espace régional.
Dans un monde en voie de libéralisation, la coopération régionale offre une alternative au multilatéralisme pour traiter de nombreux problèmes non commerciaux : convergence institutionnelle, normes sociales et environnementales, coopération monétaire… Ce qui est recherché au-delà des effets commerciaux et des mouvements factoriels, c’est de considérer la coopération régionale comme un bien public générateur d’externalités positives.