LA DECOLONISATION EN ASIE : INDE ET INDOCHINE
INTRODUCTION
La première vague de décolonisation a lieu en Asie. Les nationalismes y sont les plus anciens et les mieux organisés. L‘Inde anglaise et l‘Indochine française ont connu des formes d‘émancipation différentes. En Inde, les britanniques ont su choisir la voie de la concertation, préservant ainsi l‘essentiel de leurs intérêts, tandis qu‘en Indochine, les français se sont engagés dans un conflit armé qui s‘est soldé par un échec.
I.L’INDEPENDANCE DE L’INDE :UN EXEMPLE DE DECOLONISATION PACIFIQUE
1.L’évolution de l’Inde anglaise jusqu’à la fin de la Seconde guerre
Depuis 1857, l‘Inde était devenue une colonie de la Couronne, dirigée par un gouverneur général, le vice-roi des Indes. Avec 300 millions d‘habitants et le développement de la culture, du riz, du thé et de l‘industrie textile, l‘Inde est considérée comme “Perle de l’empire colonial britannique”. Une bourgeoisie industrielle et commerciale formé dans les écoles et les universités anglaises y voit le jour. En 1885, est crée le Parti du Congrès ou Congrès national indien (Indian National Congress). En 1906, est fondé la Ligue musulmane.
Décolonisation en Asie Après la participation à la première guerre mondiale aux côtés de la Grande-Bretagne, l‘Inde s‘attendait à des réformes. Mais le système de dyarchie instauré par le nouveau statut de 1919 ne satisfait pas les nationalistes indiens qui manifestent le 13 Avril 1919. Ils sont sévèrement réprimés par le brigadier-général Reginald Dyer qui fit tirer sur la foule à Amritsar, dans le Pendjab, faisant 379 morts et 1200 blessés 379 morts et 1200 blessés dans les rangs des manifestants «Convaincu que certaines autorités anglaises ne jouent pas le jeu» Gandhi (1869-1848) lance une campagne de désobéissance civile et prône l‘attachement absolu aux valeurs indiennes (août 1920) pour obtenir le Swaraj (“autonomie interne”) par « des moyens légitimes et pacifiques ». L‘efficacité de l‘action de Gandhi oblige les Britanniques à mener un ensemble de réformes. En 1935, le statut du gouvernement de l‘Inde accorde une autonomie interne restreinte, la Grande-Bretagne conservant le contrôle des finances, de la politique étrangère et de la police intérieure .Ces reformes seront juges insuffisantes par le Parti du Congrès qui rejette cet Indian act. En aout 1942, en pleine Seconde Guerre mondiale, le Parti du Congrès vote la résolution « Quit India » par laquelle il réclame l‘indépendance immédiate de l‘Inde. Churchill refuse. Une campagne de désobéissance civile est lancée de nouveau, suivie d‘une sévère répression. La tension est vive, aggravée par les famines de 1943-1944.
2.L’indépendance et la partition de l’Inde
Avec l‘avènement du travailliste Clement Attlee à la tête du gouvernement britannique après la capitulation japonaise, les négociations reprennent mais butent sur l‘opposition entre le Parti du Congrès qui souhaite la formation d‘un Etat indien unique et la Ligue musulmane de Mohamed Ali Jinnah (1876-1948) qui craint que dans un tel Etat, les musulmans soient opprimés. Ainsi ce dernier réclame-t-il la création de deux Etats, l‘un pour les musulmans, l‘autre pour les Hindous. Tous les plans de médiation présentés par la Grande-Bretagne échouent. Une violente guerre civile oppose les Hindous aux musulmans.
Lord Mountbatten propose un plan de partition (plan du 3 juin 1947), accepté par les deux partis. Le Bill (projet de loi) de l‘indépendance est voté : le monde indien accède à l‘indépendance le 15 août 1947 mais perd son unité. En effet, l‘indépendance donne naissance à deux Etats : l‘Inde et le Pakistan, ayant respectivement comme Premiers ministres Jawaharlal Nehru (1869-1964, Premier ministre de 1947 à 1964) et Liaquat Ali Khan (1895-1951, Premier ministre de 1947 à sa mort). Des transferts de population se font dans les effusions de sang : 6 millions d‘Hindous et de Sikhs quittent le Pakistan pour l‘Inde et 8 millions de Musulmans quittent l‘Inde pour le Pakistan. Le Pakistan sera à son tour scindé en deux Etats : le Pakistan et le Bangladesh. Proclamé en 1972, le Bangladesh ne sera reconnu par le Pakistan qu‘en 1974.
II.La DÉCOLONISATION DE L’INDOCHINE : UN EXEMPLE DE DÉCOLONISATION VIOLENTE
1.Les débuts du nationalisme indochinois
Les colonies françaises d‘Asie du Sud-Est sont regroupées en 1905 dans une Confédération dite Union indochinoise, dirigée par un Gouverneur général. L‘Indochine dite française comprenait dans sa totalité le Cambodge (devenu protectorat en 1863), le Laos (complètement occupé en 1893) et le Vietnam avec ses trois « ky » (« provinces ») : au nord le Bak Ky dit Tonkin avec pour capitale Hanoi ; au centre le Trung Ky dit Annam avec comme chef-lieu Hué ; le Nam Ky ou Cochinchine avec pour capitale Saigon, conquis successivement entre 1858 et 1895 et devenus officiellement « colonie » pour la Cochinchine,
« protectorat » pour le Tonkin et l‘Annam. Dans ces territoires, l‘administration va faire face à de nombreux mouvements nationalistes très actifs comme celui du Parti national du Vietnam, qui décline pour céder la place au Parti communiste indochinois (PCI), fondé le 3 février 1930 par Hô Chi Minh (1890-1969). Entre 1930 et 1932, une violente agitation révolutionnaire est sévèrement réprimée.
2.L’évolution politique de l’Indochine durant la Seconde Guerre mondiale
En 1941, le Japon s‘empare de l‘Indochine mais laisse en place l‘administration vichyste. Face à l‘occupation, le PCI fonde en mai 1941 le Front pour l’Indépendance du Vietnam (Viêt Nam Doc Lap Dong Minh Hoi) qu‘on abrègera en Vietminh. Au même moment est fondé au Laos le front de libération Pathet Lao. Le 9 mars 1945, les Japonais décident de balayer l‘administration française. Dès l‘annonce de la capitulation japonaise, Hô Chi Minh forme un Gouvernement provisoire qui proclame l‘indépendance de la République démocratique du Vietnam à Hanoi (2 septembre 1945). Conformément aux accords de Potsdam, le pays est occupé provisoirement par les troupes chinoises au nord du 17e parallèle Nord et par les Britanniques au sud de cette ligne de démarcation.
3.Le retour de la France en Indochine
Décolonisation en Asie :Dès la fin de la guerre, la France envisage de reconquérir l‘Indochine. Des négociations commencées en août 1945 aboutissent à la signature, le 6 mars 1946, des accords Sainteny-Hô Chi Minh. Ces accords reconnaissaient le Viêt Nam comme « un État libre avec son gouvernement, son Parlement et ses finances, faisant partie de la Fédération indochinoise et de l‟Union française ». Mais ces accords sont torpillés sur le terrain par les initiatives militaires du nouveau commissaire en Indochine, Thierry d’Argenlieu (nommé le
15 août 1945). Au lieu d‘organiser le référendum prévu en Cochinchine, ce dernier fait proclamer la République le 1er juin 1946, empêchant ainsi de se réaliser l‘unité du Vietnam souhaitée par « l’Oncle Hô ». La tension monte entre la France et le Vietminh, surtout après l‘échec de la Conférence de Fontainebleau (6 juillet-25 août 1946).
4.La guerre d’Indochine
Elle éclate à la suite de deux incidents :
- le 23 novembre 1946, les Français, sous la direction du colonel Debès, prenant prétexte d‘attentats contre leurs garnisons, bombardent la ville d‘Haiphong, avant port d‘Hanoi, détruisant le quartier vietnamien et faisant au moins 6 000 morts (6 000 morts d‘après P. Devillers ; 20 000 d‘après Lê Than Khoi) ;
- le 19 décembre 1946, les milices du général Giàp (Võ Nguyên Giàp, né en 1912) ripostent en attaquant les quartiers européens d‘Hanoi faisant 200 morts.
III.Hô Chi Minh APPELLE LE PEUPLE VIETNAMIEN À LA LUTTE.
De 1946 à 1949, la France mène, seule, une guerre purement coloniale. Les troupes du Vietminh se retirent dans les campagnes et adoptent la guérilla avec comme slogan la célèbre phrase : « Le jour aux Français, la nuit aux “Viets” ». La France cherche alors une solution politique en négociant avec l‘ex-empereur Bao Dai qui signe avec E. Bollaert les accords de la Baie d’Along du 5 juin 1948. Mais cette tentative échoue et la guerre continue.
A partir de 1949, avec la victoire communiste en Chine, la guerre d‘Indochine devient un conflit de la guerre froide. Les Français subissent de nombreux revers dans leurs tentatives de contrôler les axes de passage vers la Chine. La défaite de Diên Biên Phu, 7 mai 1954 (15 000 prisonniers français dont 3 000 seulement survivront) précipite l‘issue du conflit et oblige les Français à négocier pour mettre fin à la « sale guerre ».
CONCLUSION
Dans son ensemble, la décolonisation de l‘Asie est marquée par la guerre froide. Après l‘indépendance, l‘Inde s‘est rapprochée de l‘URSS. En Indochine, l‘obsession du “containment” et du “roll back” débouche sur la guerre du Vietnam. L‘Asie va jouer un rôle déterminant dans la décolonisation des autres territoires comme l‘illustrera éloquemment la Conférence de Bandung.