LA DECOLONISATION AU PROCHE-ORIENT :LA QUESTION PALESTINIENNE ET LES RELATIONS ISRAELO-ARABES
INTRODUCTION
En 1920, la Traité de Sèvres et la Conférence de San Remo consacrent le démembrement de l‘Empire ottoman et le passage du Proche-Orient sous mandat A britannique et français. Si à la fin du second conflit mondial les Français reconnaissent l‘indépendance du Liban et de la Syrie, les agitations nationalistes liées surtout à l‘hostilité entre Arabes et Juifs en Palestine secouent profondément cette région. Jusqu‘à présent, la Palestine est une zone de tensions et de conflits entre les deux communautés malgré de nombreux efforts de paix.
I.LES ORIGINES DU PROBLÈME PALESTINIEN
L‘idée de la création d‘un Etat juif installé en Palestine remonte à la fin du XIXe siècle avec les débuts du sionisme théorisé et fondé par Théodore Herzl (1860-1904). Il publie en 1896 son livre programme intitulé L’Etat juif : Essai de solution moderne à la question juive. Il organise un premier congrès à Bâle (Suisse) en août 1897, congrès qui institua l‘Organisation sioniste mondiale qui revendiqua le droit de tous les Juifs dispersés à travers le monde (la Diaspora) de se regrouper sur la « terre des ancêtres », la Palestine considérée comme la
« Terre Promise ». Pour l‘achat de terres en Palestine, un Fonds national juif est créé en 1901
et l‘Agence juive en 1927.
Par la déclaration Balfour du 2 novembre 1917, le gouvernement britannique promet aux Juifs l‘établissement d‘un « foyer national juif » en Palestine. Ce projet était en contradiction avec la politique britannique au Proche-Orient et son panarabisme (Etat arabe du Nil à l‟Euphrate). Il s‘agissait fait d‘une déclaration de propagande destinée amener les Américains et les milieux financiers (le « Lobby juif ») à continuer à combattre avec les Alliés.
Entre 1919 et 1939, l‘Organisation sioniste, aidée par les Anglais, favorise l‘émigration vers la Palestine des Juifs d‘Europe et d‘Amérique (55 000 en 1919 et 455 000 en 1939). En 1939, il y avait 1 million d’Arabes en Palestine. Pour se protéger, les Juifs créent des milices d‘autodéfense (Haganah, Irgoun, Groupe Stern). Le climat de terrorisme et d‘émeute est constant.
Le sionisme, en relation avec la finance américaine met en péril l‘équilibre de la région d‘où la réaction de la Grande-Bretagne qui encourage le nationalisme arabe et décide à partir de 1940 d‘interdire les flux d‘immigrants. A l‘initiative de David Ben Gourion une conférence sioniste (600 délégués) adopte le « Programme de Biltmore » qui proclame que « la Palestine devait constituer un Commonwealth juif ». Les Juifs multiplient alors les attentats contre les intérêts de la Grande-Bretagne qui, dépassée par les événements, confie le problème à l‘Organisation des Nations unies.
II.L’ONU ET LE PARTAGE DE LA PLASTINE
Par la résolution 181 (appelée « plan de partage ») du 29 novembre 1947, l‘ONU, à travers l‘UNSCOP, propose un plan de partage de la Palestine qui prévoit la création de deux Etats indépendants, l‘un juif, l‘autre arabe. Jérusalem serait une ville internationale sous contrôle de l‘ONU. Ce partage attribue 55 % de la Palestine (14 000 km2) aux Juifs qui ne représentent que 34 % de la population totale à cette date (687 000 Juifs), et 45 % seulement aux Arabes deux fois plus nombreux (1 305 000 Arabes). Le plan est approuvé par les Juifs mais rejeté par les Arabes réunis au sein de la Ligue arabe (fondée au Caire le 22 mars 1945) qui regroupait alors l‘Arabie saoudite, l‘Egypte, l‘Irak, le Liban, la Syrie, la Transjordanie (devenue la Jordanie en 1950) et le Yémen du Nord. Le 14 mai 1948, à la veille du retrait des Anglais, David Ben Gourion (1886-1973) proclame la naissance de l‘Etat d‘Israël, immédiatement reconnu par les Etats-Unis et l‘URSS. Aidé par l‘incohérente hostilité des Etats arabes et trouble jeu du roi Abdallah de Jordanie qui négocie en sous-main avec les Juifs pour annexer le territoire prévu pour l‘Etat arabe, la voie était ouverte à la guerre dite d‘indépendance par les Israéliens mais qui, pour les Arabes, deviendra la « Nakba » (catastrophe).
III. LES GUERRES ISRAÉLO-ARABES
1.La guerre de 1948 ou guerre d’indépendance :
A la suite de cette guerre menée contre 5 Etats de la Ligue arabe (Egypte, Irak, Liban, Syrie et Transjordanie), Israël sort victorieux, agrandit son territoire (plus 6 600 km2) qui représente désormais 78 % de la Palestine historique, occupe Jérusalem-Ouest et expulse 900 000 Palestiniens (2/3 de la population totale). L‘Etat palestinien est mort-né. Le reste du territoire est placé sous administration égyptienne (Gaza) et jordanienne (Cisjordanie).
2.La guerre de Suez de 1956 :
C‘est un conflit armé qui a opposé, du 29 octobre au 6 novembre 1956, la Grande-Bretagne, la France et Israël à l‘Egypte, après la nationalisation, en juillet 1956, de la Compagnie franco-britannique du canal de Suez, par le président égyptien Gamal Abdel Nasser(1918-1970, président de 1956 à 1970). Les opérations ont été stoppées par crainte d‘une intervention des Etats-Unis et de l‘URSS ; la crise a démontré l‘affaiblissement de la France et de la Grande-Bretagne qui n‘étaient plus que des puissances moyennes incapables de présider aux destinées du monde.
3.La guerre des Six Jours (5-10 juin 1967) :
Pour les Arabes, elle est nommée « guerre du revers » (an-Naksah). Elle fut déclenchée par Israël à la suite de la fermeture du golfe d’Akaba par l‘Egypte. En six jours, Israël occupe le Sinaï, la zone de Gaza, la Cisjordanie, Jérusalem- Est et le plateau du Golan.
La résolution 242 du Conseil de sécurité (22 novembre 1967) réaffirme que la paix au Proche- Orient par la restitution des territoires occupés pendant cette guerre et la reconnaissance de tous les autres Etats de la région.
4.La guerre du Kippour (6-24 octobre 1973) :
Elle fut déclenchée par l‘Egypte et la Syrie pour récupérer les territoires perdus. Il n‘y aura ni vainqueur ni vaincu : les pertes et les gains sont équilibrés. Les pays arabes exportateurs de pétrole font monter le prix du brut à 10 dollars le 15 octobre 1973 et décrètent un embargo3 qui provoque une crise économique mondiale. L‘OPEP s‘associe à la décision. Des négociations sont entamées entre Israël et l‘Egypte (sur proposition de Nixon et de Brejnev) et débouchent sur les accords de Camp David le 17 septembre 1978 entre Anouar El Sadate (1918-1981, président égyptien de 1970 à 1981, assassiné le 6 octobre 1981), Menahem Begin (1913-1992, Premier ministre d‘Israël de 1977 à 1983) Jimmy Carter (né en 1924, 39e président des Etats-Unis, 1977-1981). Ils portent sur l‘évacuation du Sinaï et l‘établissement de relations diplomatiques entre Israël et l‘Egypte. La résolution 338 réaffirme la 242.
5.L’intervention d’Israël dans la guerre du Liban (6 juin 1982) :
L‘armée israélienne envahit le Liban (opération « Paix en Galilée », déclenchée le 6 juin 1982 sous la direction d‟Ariel Sharon, né en 1929, alors ministre de la Défense) pour mettre fin à l‘action des commandos de l‘OLP. Cette invasion se superpose à la guerre civile libanaise (1975-1990) entre les phalangistes chrétiens et les musulmans du Hezbollah appuyés par l‘OLP (créée en 1964). En septembre 1982, l‘OLP est obligée de quitter Beyrouth Ouest et d‘installer son siège à Tunis. Cette guerre est marquée par le massacre de Chabra et Chatila, deux camps de réfugiés
IV.LES NÉGOCIATIONS ISRAÉLO-PALESTINIENNES
Dès 1988, l‘OLP reconnaît la résolution 181 de 1947 sur le partage. Mais ce sont les accords d’Oslo, signés le 13 septembre 1993 sur le perron de la Maison Blanche entre Yasser Arafat (Abel Raouf Arafat al-Qudwa, 1929-11 septembre 2004) et Yitzhak Rabbin (né en 1922, vainqueur de la guerre des Six Jours, Premier ministre d‘Israël de 1992 à son assassinat par Ygal Amir le 4 novembre 1995), qui constituent le point de départ des négociations entre Israéliens et Palestiniens qui se fondent sur la résolution 242. Elles devaient durer cinq ans, de mai 1994 à mai 1999, et aboutir à la proclamation de l‘Etat palestinien. Mais elles butent sur les points suivants :
- La question des territoires et des frontières : L‘OLP demande le retrait israélien des territoires occupés et compte créer un Etat sur 22 % de la Palestine historique. Elle fonde sa position sur la résolution 242. Israël refuse tout retrait sur les lignes du 4 juin 1967 et voudrait annexer 30 à 40 % de la Cisjordanie. Le bouclage systématique des territoires « autonomes » après chaque attentat rend la vie quotidienne
- Les colonies : On dénombre de 150 à 200 colonies juives. Depuis 1967, Israël mène une politique systématique de colonisation pour rendre impossible la continuité du territoire palestinien et la création d‘un Etat palestinien. Se fondant sur la résolution 465 de 1980 du Conseil de sécurité de l‘ONU, l‘OLP demande le démantèlement des
- Les réfugiés palestiniens : On dénombre plus de 3,7 millions de réfugiés4 palestiniens répartis dans 59 camps installés dans les pays voisins et gérés par l‘UNRWA5. Se fondant sur la résolution 194 du Conseil de sécurité du 11 décembre 1948, les Palestiniens réclament le
« droit au retour ». Israël s‘y oppose et demande l‘installation définitive des réfugiés dans les pays d‘accueil grâce à l‘aide internationale.
- Le statut de Jérusalem (Al Qods) : l‘enjeu de la ville est le contrôle des lieux saints de la vieille ville de Jérusalem-Est. La zone de Haram el-Charif ou Dôme du Rocher où se trouve la mosquée d‘Al-Aqsa est contiguë au Mur des Lamentations, ruines de l‘ancien Temple détruit par les Romains. Pour les Israéliens, la mosquée d‘Al-Aqsa est édifiée sur les vestiges du Temple de Salomon qu‘ils veulent reconstruire. Pour rechercher les vestiges, des fouilles archéologiques entreprises sous les lieux saints musulmans provoquent des protestations car elles menacent la stabilité des monuments islamiques. En plus, des groupes extrémistes juifs ont essayé à plusieurs reprises de faire sauter la mosquée. Israël voudrait de cette ville réunifiée sa « capitale éternelle ». Pour les Palestiniens, la partie Est de la ville est un territoire occupé qui doit être évacué et devenir leur capitale.
L‘Etat d‘Israël menait également des négociations séparées avec la Jordanie (sur la question de l‘eau) et avec la Syrie (sur la restitution du plateau du Golan).
V. UNE PAIX INTROUVABLE, IMPOSSIBLE ?
Même si en 1988 l‘OLP reconnaît la résolution 181 sur le partage, même si Palestiniens et Israéliens se reconnaissent mutuellement le 13 septembre 1993, le processus de paix est dans une impasse malgré l‘accord de Wye Plantation d‘octobre 1998 par lequel Israël accepta de rétrocéder 13 % des territoires occupés à l‘Autorité palestinienne. Cette rétrocession s‘est arrêtée à 2 %. Malgré la décision prise par Ehud Barak d‘évacuer une partie des territoires occupés du Liban et du Golan syrien, le processus de paix est interrompu par plusieurs faits saillants :
– l’échec des sommets de Camp David (juillet 2000) et de Charm el-Cheikh (octobre 2000) ;
–le déclenchement de la seconde Intifada appelée Intifada d’Al-Aqsa le 30 septembre 2000 ;
- l’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon qui remet en question les accords d’Oslo ;
– l’escalade de la violence.
A partir de 2002, le dossier palestinien est confié au Quartet (ONU, Etats-Unis, Union européenne et Russie) qui publie le 30 avril 2003 la « Feuille de route » (« Road Map »). Mais tous les efforts der paix sont réduits à néants à cause de la politique de Sharon qui a entamé la construction en Cisjordanie d‘un mur de séparation (le « mur de sécurité »). L‘Accord de Genève, préparé et présenté officiellement le 1er décembre 2003, par l‘Israélien Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo, n‘a pas permis de régler la question palestinienne. Il en est de même de l‘initiative de paix appelée la « Voix du peuple » lancée par l‘Israélien Ami Ayalon et le Palestinien Sari Nisseibeh. Des Israéliens également se sont opposés à la politique d‘occupation menée par leur pays : c‘est le cas dans l‘ancien pilote militaire Yiftah Spector (héros de la guerre de Six Jours) et 26 autres pilotes qui dénoncent les opérations d‘assassinats ciblés ou des anciens chefs du Shin Beth (Services secrets israéliens) comme Ami Ayalon, Yaakov Perry, Carmi Gilon et Avraham Shalom.
En 2008, la violence connaît une nouvelle escalade avec la guerre de Gaza qui à opposé les activistes du Hamas et Tsahal (l‘armée israélienne). Les raids israéliens ont fait plus de 1 000 mors en moins d‘un mois. Les dossiers « chauds » restent en suspens : sort des réfugiés palestiniens, statut de Jérusalem, avenir des colonies juives, délimitation des frontières, etc.
CONCLUSION
Le problème palestinien est très préoccupant et continue de déstabiliser le Proche-Orient. Malgré des tentatives de solution, cette partie du monde reste une poudrière où kamikazes palestiniens et soldats de Tsahal (l‘armée israélienne) continuent de faire des victimes. La mort de Yasser Arafat, le 11 novembre 2004, la disparition d’Ariel Sharon de la vie politique et la victoire du Hamas aux législatives de janvier 2006 constituent des tournant importants dans l‘histoire de cette région. L‘on se demande dans quel sens évoluera le processus de paix.