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LA RÉFLEXION PHILOSOPHIQUE (2ERE PARTIE)

III-HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE

Faire l’histoire de la philosophie revient à étudier les différentes doctrines philosophiques. L’histoire de la philosophie consiste à reconstruire, comprendre, interpréter et critiquer les positions et thèses des penseurs comme Platon, Aristote, Descartes, Kant, Hegel etc. Nombre de penseurs en appellent aux philosophies antérieures pour les appuyer, pour s’en inspirer ou encore pour les critiquer. L’histoire de la philosophie peut être divisée en trois époques : la philosophie antique, la philosophie médiévale et la philosophie moderne.

1-La philosophie antique


La question fondamentale qui occupait les philosophes de l’antiquité était celle du principe de toute chose. Cette époque a rendu célèbres des philosophes dits présocratiques comme Thalès qui tenait l’eau pour le principe de toute chose et Anaximandre qui soutenait que le principe premier dont dérive toute chose est une substance infinie qu’il appelait apeiron. Anaximène, désignait l’air comme l’élément dont est composée toute chose. Héraclite affirma que le feu constitue l’élément fondamental de l’Univers. Empédocle estime que toute chose est composée de quatre éléments irréductibles : l’air, l’eau, la terre et le feu. Pythagore enseignait que l’âme est prisonnière du corps, qu’elle sera délivrée de celui-ci après la mort et réincarnée dans une nouvelle forme de vie. C’est cette même théorie que Platon, maître d’Aristote, a développée. Mais le philosophe le plus célèbre est incontestablement Socrate pour qui philosopher ce n’est pas savoir beaucoup de choses mais se conduire d’une manière vertueuse. L’antiquité grecque est également marquée par des écoles philosophiques comme l’épicurisme fondé par Epicure, le stoïcisme fondé par Zénon et le scepticisme fondé par Pyrrhon. Ces écoles s’intéressaient à la question « comment bien vivre ? ». Pour elles, la philosophie doit être comprise comme un mode de vie, non pas uniquement comme une réflexion théorique.

2-La philosophie médiévale

La philosophie médiévale est constituée de penseurs musulmans et chrétiens qui, en cherchant des arguments convaincants, ont fait appel à la philosophie antique. Les ouvrages de Platon, d’Aristote et d’autres penseurs grecs furent traduits ou commentés par des érudits arabes comme Ibn Sinâ (Avicenne), Ibn Rushd (Averroès) et Ghazali. En plus de ces penseurs arabes, il y a eu des penseurs occidentaux qui étaient à la fois philosophes et théologiens à l’instar de Saint Augustin, Saint Thomas d’Aquin et Saint Anselme. Ces philosophes musulmans et chrétiens ont tenté concilier la philosophie et la religion dans le but de fournir des fondements rationnels à leurs convictions religieuses.

3-La philosophie moderne et contemporaine

Cette ère est marquée par les 18ème 19ème et 20ème siècles. Au 18ème siècle, la philosophie s’est libérée de la théologie et les philosophes n’avaient plus à craindre des représailles. La théologie n’avait plus de pouvoir sur la philosophie après plusieurs siècles de domination. Les philosophes les plus connus de cette époque sont Descartes, Spinoza, Kant, Hegel, Nietzsche, Rousseau, Jean Paul Sartre etc.

IV-LES PHILOSOPHIE DE L’ANTIQUITÉ GRECQUE

La philosophie doit être comprise comme une manière de vivre, non pas seulement comme une réflexion théorique. Autrement dit, être philosophe c’est vivre et agir d’une certaine façon. L’idée que la philosophie est un art de vivre a ainsi amené certains philosophes à imaginer qu’ils devaient guider les hommes et les aider à vivre correctement. Ceci explique la naissance, dans l’antiquité, d’écoles philosophiques comme le stoïcisme, l’épicurisme et le scepticisme.

– L’épicurisme fondé par Epicure soutient que le but de la vie est d’atteindre le maximum de plaisirs et d’éviter le maximum de douleur, c’est-à-dire chercher le plaisir et fuir la douleur. Pour Epicure, le plaisir résulte de la satisfaction des besoins qui sont de trois types : les besoins naturels et nécessaires (manger, boire et dormir), les plaisirs naturels et non nécessaires (les plaisirs sexuels par exemple) et les besoins ni naturels ni nécessaires (fumer, se droguer etc.). Les épicuriens disent que l’homme doit chercher la satisfaction des besoins naturels et nécessaires et éviter les excès. Ils estiment que « vivre heureux, c’est vivre caché », c’est-à-dire fuir la gloire, la richesse, le pouvoir etc. qui peuvent être source de souffrance. En sommes, pour les épicuriens, tout ce dont la possession engendre plus de douleur que de plaisir (pas au sens d’érotisme mais d’ataraxie) est à éviter. Ils recommandent de vivre loin des excès, de la luxure et d’adopter une conduite sobre. « Un peu d’eau, un de pain, un peu de paille pour dormir, une peu d’amitié suffisent pour être heureux », disent-ils.

– Le stoïcisme fondé par Zénon rejette les biens matériels. Les stoïciens enseignaient qu’on ne peut atteindre la liberté et la tranquillité qu’en étant insensible au confort matériel et à la fortune. Ils enseignent que chaque être humain est une partie de Dieu et que tous les hommes constituent une famille universelle. Les stoïciens font également la différence entre ce qui dépend de nous (nos pensées) et ce qui ne dépend pas de nous (les décrets de Dieu). Ils recommandent à l’homme d’accepter courageusement ce qui lui arrive et qui ne dépend pas de lui. Parmi leurs slogans, on peut retenir celui-ci : « Supporte et abstiens-toi » et ce n’est qu’à cette condition que l’homme vivra heureux. L’homme doit savoir souffrir en silence et accepter tout ce qui ne dépend pas de lui. C’est ce que les stoïciens résument en ces mots : « Le destin mène celui qui veut et traîne ce qui ne veut pas ».

Le scepticisme fondé par Pyrrhon considère que l’homme ne peut atteindre ni la vérité ni la connaissance ni la sagesse. Pour les sceptiques, le chemin du bonheur passe par une suspension complète du jugement. Leur philosophie, c’est que rien n’est vrai. Contrairement au doute méthodique de Descartes qui est provisoire, le doute des sceptiques est permanent, ils doutent pour le plaisir de douter.

V-CARACTÉRISTIQUE DE LA RÉFLEXION PHILOSOPHIE

La réflexion philosophique est caractérisée par la critique. L’esprit critique est un esprit d’analyse et d’examen ; il s’oppose au sens commun. Philosopher, c’est se poser des questions en permanence et Karl Jaspers l’a résumé en ces termes : « Les questions en philosophie sont plus essentielles que les réponses et chaque réponse devient une nouvelle question ». En philosophie, les questions ne sont pas posées, elles se posent ; mieux, elles s’imposent. Parler des caractéristiques de la réflexion philosophie revient à dire ce qu’est la philosophie et à l’opposer au mythe, à la religion et à la science.

1-Philosophie et mythe

Le mythe est un récit imaginaire où interviennent des êtres surnaturels dont l’action serait à l’origine du monde. Le récit mythique est cru de façon dogmatique par les membres du groupe social, on ne le critique pas : on y croit sans chercher à avoir des preuves. Exemple de mythe, on peut citer l’histoire d’Adam et d’Eve. En effet, d’après les religions révélées, Adam et Eve ont été chassés du paradis pour avoir désobéi à Dieu. Ensuite, ils ont été envoyés sur terre où ils seront obligés de travailler pour vivre. Ce récit a pour fonction de justifier l’origine du travail. Mais, il ne faut pas croire que le mythe est irrationnel. Au contraire, elle témoigne d’une « rationalité » certes différente de la pensée philosophique. En fait, à l’instar de la philosophie, le mythe aussi cherche à fournir une explication du monde, des phénomènes divers pour apaiser la curiosité humaine. Fondamentalement, la différence réside dans le fait que là où la philosophie se pose des questions, le mythe apporte des réponses. Au demeurant, la philosophie et le mythe sont deux domaines de la raison, mais différents par la démarche. Ils s’efforcent d’apaiser la curiosité insatiable de l’homme.

Le mythe a pour fonction de justifier ce qui existe, de dire comment les choses sont ce qu’elles sont et pourquoi les hommes doivent adopter tels comportements. Il est irrationnel alors que la philosophie est rationnelle. Là où la philosophie se pose des questions sans prétendre les solutionner, le mythe lui, apporte des réponses à toutes les questions de l’homme pour apaiser sa curiosité. Dès l’avènement de la philosophie, le mythe devait être dépassé. Pourquoi est-il toujours présent dans l’œuvre de Platon ? Quelle place occupe-t-il dans sa philosophie ? Dans l’œuvre de Platon, le mythe a une fonction pédagogique. Pour expliquer quelque chose, Platon part de ce que les Athéniens connaissent. Autrement dit, il les retrouve dans leurs croyances pour leur expliquer des vérités a priori inaccessibles par la raison. En bref, la philosophie se sert du mythe comme moyen d’illustration d’un argument.

2-Philosophie et religion

Les rapports entre la philosophie et la religion ont souvent été difficiles. Un conflit existe entre elles : le philosophe est perçu comme un athée tandis que le religieux est vu comme un borné ou comme quelqu’un qui ne réfléchit pas. Tiré du latin religare, la religion signifie lien que l’homme entretient avec une force extérieure nommée Dieu et qui exige une soumission à lui. La religion est censée dire une vérité absolue, incontestable, indiscutable pour le croyant. Ce dernier considère comme vrai tout ce que disent les textes sacrés et il interprète toutes choses en fonction de la religion. La religion est fondée sur la foi et repose sur des dogmes, c’est à dire des vérités absolues. A l’opposé, le discours philosophique est humain, libre et critique. Ce n’est plus Dieu qui parle aux hommes, mais c’est un homme qui s’adresse à ses semblables. Pour toutes ces raisons, la religion s’oppose à la philosophie qui, elle, est fondée sur l’esprit critique alors pour le croyant, le doute n’est pas permis. Le philosophe doit avoir un esprit de doute et de remise en question. Avec son esprit libre et critique, il s’attaque à tout, même à la religion. Cette dernière va ainsi subir des critiques de la part de philosophes comme Karl Marx qui la considère comme « l’opium du peuple ». Pour lui, c’est l’homme qui a inventé Dieu. Nietzsche, pour sa part, proclame la mort de Dieu, tandis que Sartre fera de l’existence de Dieu une présence sans incidence sur le monde. A travers ces philosophes athées, il est aisé de constater que philosophie et religion ont eu des rapports complexes depuis leur origine, mais il serait exagéré d’y voir une opposition radicale. Loin de s’exclure, elles entretiennent une relation réciproque.

Certes, elles n’ont pas le même fondement, car la philosophie repose sur la raison et la religion sur la foi. Mais à bien des égards, elles traitent des mêmes questions. En effet, toutes les questions que soulèvent la métaphysique comme celles qui sont liées à Dieu, à l’âme, au destin etc. trouvent leur réponse dans la religion, de sorte qu’on a pu dire que la philosophie pose des questions et la religion y apporte des réponses. C’est ce que montre Blaise Pascal selon qui la religion et la philosophie sont deux genres distincts. A son avis, l’homme est raison et cœur et il peut atteindre la vérité soit par le cœur soit par la raison. Mais Pascal précise qu’il y a des choses que la raison ne peut pas savoir à l’exemple de Dieu, et c’est au cœur de le sentir. C’est pourquoi il dit que « Dieu ne se prouve pas, il s’éprouve ». Poursuivant cette même idée, il affirme dans sa Pensée 277 : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ». Saint Augustin parle d’une ressemblance entre religion et philosophie. Pour lui, il y a une similitude entre les textes bibliques et ceux de Platon. Il sera amené à conclure que la philosophie ne peut nous permettre d’atteindre la vérité et qu’elle doit se subordonner (soumettre) à la religion. Saint Thomas d’Aquin pense lui aussi que foi et raison peuvent atteindre la vérité, mais il accorde la supériorité à la foi. Spinoza soutient que entre la philosophie et la religion, il n’y a pas de parenté. Il dit : « Ni la théologie ne doit être servante de la raison, ni la raison celle de la théologie, mais l’une et l’autre ont leur royaume propre ».

3-Philosophie et science

a-L’histoire d’une rupture

Philosophie et science sont nées au 6ème siècle avant Jésus Christ à partir d’une rupture avec les premières approches du réel. Insatisfaits des explications données par le mythe, la magie et la religion, les premiers penseurs vont expliquer le cosmos en faisant appel à la raison. On assiste, dès lors, à la naissance de la pensée rationnelle. Ces premiers penseurs étaient en même temps des philosophes et des savants à l’instar de Thalès, de Pythagore, d’Euclide, d’Archimède etc. Philosophie et science ont donc cheminé ensemble pendant longtemps. Mais petit à petit, les sciences se détachèrent de la philosophie et constituèrent, chacune, un objet et une méthode spécifiques. C’est à ce titre qu’on a pu dire que « la philosophie est comme une femme en ménopause qui a cessé de procréer et dont les enfants devenus adultes n’ont cessé de se démarquer d’elle pour se constituer en disciplines autonomes ».

A l’origine, la philosophie était présentée comme la mère de toutes les sciences. Elle était une discipline encyclopédique, répondant au vœu d’Aristote qui la définissait comme le « savoir de la totalité ou la totalité du savoir ». Au fil des siècles, les progrès des sciences finissent par prendre le dessus en rendant impossible la maîtrise du savoir total par un seul homme. La philosophie comme savoir encyclopédique devient ainsi chimérique. La science prit alors son autonomie avec Francis Bacon qui, au début du 17ème siècle, inaugure la rupture en introduisant la méthode expérimentale. Dans le même siècle, suivirent la physique avec Newton et Galilée, l’astronomie de Kepler. Au 18ème siècle, la biologie fera de même et les sciences sociales au 20ème siècle conclurent définitivement la séparation entre la philosophie et la science. Il ne sera désormais laissé à la philosophie que la logique et la métaphysique. Ainsi, de la pensée encyclopédique du philosophe comprenant tous les domaines du savoir, émerge la pensée du scientifique qui porte sur un objet particulier avec une méthode d’étude particulière.

b-Différence de méthodes, d’orientations et de préoccupations

La science est caractérisée par son objectivité alors que la philosophie est marquée par la subjectivité. Lorsque les philosophes posent la même question, ils y apportent des réponses différentes, subjectives. C’est parce que chaque philosophie exprime les sentiments de son auteur, ses convictions personnelles, ses croyances. Il y a une pluralité en philosophie alors que dans les sciences il y a une unité. La science est caractérisée par son exactitude parce qu’elle produit les instruments de vérification de ses théories. La procédure de la science est particulière : elle passe par l’observation, l’hypothèse, l’expérimentation, la vérification et l’élaboration d’une loi universelle. La science dit ce qui est en se posant le « comment », mais la philosophie s’intéresse à ce qui devrait être et se pose le « pourquoi ». Quand le savant se demande comment les choses se produisent, le philosophe, par la spéculation, se demande le pourquoi des choses. La science va du sujet vers l’objet : elle est cosmocentrique alors que la philosophie va du sujet vers le sujet : elle est humaniste. Par exemple Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi l’homme existe-t-il pour mourir ? Philosopher revient à se placer du point de vue axiologique, c’est-à-dire s’interroger sur la valeur de la connaissance, de l’intérêt de l’existence etc. Où va l’homme ? D’où vient-il ? Que lui est-il permis d’espérer ? Quelle est sa destinée ? Ce sont là sont des questions intrinsèques à la philosophie.

La philosophie et la science ne s’opposent pas radicalement. Elles sont, à bien des égards, complémentaires. Car la philosophie réfléchit sur la science et c’est ce qui fonde l’épistémologie. La philosophie redevient une conscience de la science et non une concurrence pour celle-ci. Elle s’érige en gardienne face aux dangers multiples que l’usage des découvertes scientifiques fait courir à l’humanité. Pierre Fougeyrollas écartait toute compétition entre la science et la philosophie en affirmant : « Toute compétition entre la science et la philosophie serait ruineuse pour celle-ci ».

Par ailleurs, même si la science est une connaissance exacte, elle a cependant des limites internes et des limites externes. Les limites externes concernent toutes les questions qui sont hors de son domaine d’investigation, ce sont les questions métaphysiques ou éthiques. Ces préoccupations sont prises en compte par la philosophie. Les limites internes se rapportent à la connaissance scientifique qui n’est pas figée, immuable : elle progresse, ce qui explique le progrès scientifique. Il faut souligner, enfin, que la science peut avoir sur l’homme un impact positif comme négatif (les armes, les manipulations génétiques, la pollution de l’air etc.). Et c’est précisément à ce niveau que la philosophie intervient pour réfléchir sur la science. Cette réflexion est appelée épistémologie.


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