PROBLÉMATIQUE DE L’HISTOIRE AFRIAINE : sources et procédés d’investigation
INTRODUCTION
L’histoire du continent noir souffre de problèmes majeurs qui font que son étude pose problème. Tout d’abord, le continent noir a été longtemps victimes de préjugés qui l’ont placé dans de faux-jour à cause d’une absence d’écriture. Il était aussi considéré par George HEGEL comme un continent anhistorique, c’est à dire sans histoire, jusqu’à une période assez récente. Or, l’histoire a commencé en Afrique : terre d’apparition de l’homme et des premières civilisations étatiques attestées. Aujourd’hui encore, l’histoire africaine est mal connue ; d’où la nécessité d’une bonne utilisation des sources historiques (documents écrits, tradition orale, archéologie, linguistique, anthropologie).
I.PROBLÉMATIQUE DE L’HISTOIRE AFRICAINE :
L’histoire du continent noir est sans conteste une histoire à problème car le continent noir a été longtemps considéré par les Européocentristes (intellectuels, hommes de sciences, religieux) comme étant un continent dénudé d’histoire à cause d’une absence flagrante d’écriture. Ainsi, l’Afrique s’était retrouvée exclue de l’histoire universelle.
L’histoire africaine souffre de maux parmi lesquels on peut citer :
1) La falsification de l’histoire du continent noir
Pendant longtemps, l’occident a nié et a refusé l’Afrique noire l’existence d’une histoire. Pour beaucoup de chercheurs européens, l’Afrique est la partie sans histoire du monde.
Pour mieux soutenir la thèse selon laquelle, l’Afrique serait un continent anhistorique comme le pensait G. HEGEL, des thèses racistes furent inventées et soutenues par des européens, qui, pour prouver au monde que le continent noir n’a point d’histoire, étaient même tentés d’expliquer ces balivernes, en faisant recours à des préjugés infondés et des mythes.
Certaines de ces aberrations avançaient même la thèse selon laquelle les Africains seraient frappées d’immobilisme ou d’apathie congénitale et constitueraient une « race maudite parce que descendante de Cham, fils maudit de Nohé ».
Ces détracteurs, qui ont vainement cherché à refuser à l’Afrique l’existence d’une histoire, ont procédé dans la mesure du possible à falsifier l’histoire du continent noir. Tout cela invite l’historien africain à se pencher à la restructuration de l’histoire africaine à travers une réécriture afin qu’il (continent noir) ne soit plus considéré comme une terre sans histoire.
2)L’absence de sources :
Le premier problème dont souffre l’histoire de l’Afrique après la falsification, est le manque patent de sources propre à l’Afrique, en dehors de la tradition orale (oralité) considérée par certains comme étant
une source non fiable. Souvent, les manuscrits sur lesquels, l’historien noir se fonde pour revisiter l’histoire du continent noir, sont édités ou sont les œuvres d’écrivains arabes ou d’occidentaux. Ce qui amène certains à dire, que l’histoire de l’Afrique a commencé avec la colonisation, c’est le cas de Raymond MAUNY, l’auteur de la célèbre expression « avant la colonisation, il y avait des nuits noires en Afrique »
II.LES SOURCES DE L’HISTOIRE AFRICAINE
D’abondantes sources d’information fournissent des témoignages qui permettent à l’historien de déchiffrer le passé africain. Ces témoignages peuvent être partiels ou erronés, fragmentaires ou inexacts. C’est pourquoi les historiens se doivent de les considérer de manière critique.
a) La tradition Orale ou l’oralité :
La tradition orale est une façon de préserver et de transmettre l’histoire, la loi et la littérature de génération en génération dans les sociétés humaines (peuples, ethnies, etc.) qui n’ont pas de système d’écriture. Pendant longtemps, elle fut la principale source de l’histoire africaine. Etant le récit des évènements qui se sont déroulés dans le temps en Afrique, la tradition orale était conservée par les vieillards et les griots qui furent les principales dépositaires. Ces derniers avaient pour rôle de transmettre les récits des évènements relatifs à l’Afrique aux générations futures, de bouche à l’oreille.
Ayant compris le rôle des griots dans l’histoire africaine Amadou Hampâté BA (1901-1991) à travers une citation disait : « En Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ».
S’inspirant dans cette même perspective, l’homme politique et historien malien Alpha Oumar Konaré affirma au cours d’une émission sur les ondes de RFI: « Si l’Afrique perd sa mémoire sonore, elle perd sa mémoire tout court ».
Ø L’Oralité : une source en perpétuelle mutation :
Alors que la tradition orale est une source indispensable pour l’histoire africaine, elle est cependant sujette à une forte critique de la part des certains historiens et des européens en général, qui la considère comme étant une source non fiable. Pourtant toute l’histoire Grecque et de l’Europe en général provient de récits oraux d’Homère.
b)Les sources écrites :
Les sources écrites sont plusieurs ordres :
c) Les sources antiques :
Ces sources vont des origines au VIIe siècle. Ce sont les pièces archéologiques égyptiennes et nubiennes comme les hiéroglyphes, les papyrus, les documents épigraphiques (peintures et gravures rupestres) et les textes des auteurs grecs et latins comme Hérodote (v. 484-v. 425 av. J.-C.), Strabon (v. 58 av. J.-C.-v. 24 apr. J.-C.), Diodore de Sicile (v. 90-v. 21 av. J.-C.), Plutarque (v. 46-v. 120), Ammien Marcellin (v. 330-v. 400), Achille Tatius, etc. ;
d) Les sources arabes :
Elles vont du IXe au XVe siècle et sont le fait d’auteurs arabes comme Al Bakri (1040-1094), Al Idrisi (1099-1164), Ibn Batouta (1304-1377), Ibn Khaldun (1332-1406), etc. A ces auteurs, il faut ajouter des Africains qui ont écrit en arabe leur propre histoire comme les chroniques (tarikh en arabe) de deux lettrés de Tombouctou : Mahmoud Kati (Tarikh el-Fettach), qui renseigne sur le règne de l’Askia Mohamed) et Abderrahmane es-Sadi (Tarikh esSudan) ;
e) Les sources européennes :
Elles donnent des informations sur les peuples africains depuis les premières découvertes (le Vénitien Alvise Ca Da Mosto, venu deux fois au Sénégal par exemple) jusqu’à nos jours en passant par la période impérialiste (missionnaires, explorateurs et administrateurs coloniaux). Par exemple :
- David LIVINGSTONE (1813-1873), René CAILLIE (1799-1838), Marcel GRIAULE (1898-1956), Maurice DELAFOSSE, Le Révérend Père Henri GRAVRAND, , ont laissé des travaux remarquables sur l’Afrique.
III.Les procédés d’investigation :
a) L’archéologie :
Du grec archaios (« ancien ») et logos (« discours » puis « étude »), l’archéologie est l’étude scientifique des cultures et des modes de vie du passé par l’analyse des vestiges matériels. L’archéologie est ainsi devenue au fil du temps une science pluridisciplinaire, associant l’histoire de l’art, l’anthropologie, l’ethnologie, la paléontologie, la géologie, l’écologie, les sciences physiques, etc. Ainsi, pour établir une chronologie, les archéologues utilisent les méthodes de datation mises au point par des chercheurs d’autres disciplines : datation par le carbone 14, le potassium argon et le test au fluor développée par les spécialistes de la physique nucléaire, datation stratigraphique par des géologues, évaluation des faunes fossiles par des paléontologues, etc.
Pour reconstituer les modes de vie du passé, les archéologues utilisent également des méthodes issues de la sociologie, de la démographie, de la géographie, de l’économie et des sciences politiques. L’archéologie est encore peu exploitée en Afrique. La plupart des travaux effectués dans le continent sont le fait d’archéologues occidentaux parmi lesquels le paléoanthropologue et préhistorien kenyan d’origine britannique Louis Seymour Leakey (1903-1972), les Français Jean Devisse et Yves Coppens (né en 1934), etc. L’archéologie africaine se heurte aujourd’hui à certains problèmes dont le manque de moyens financiers et matériels et les pillages.
b) La linguistique :
C’est l’étude scientifique, historique et comparative des langues pour en établir la parenté ou les affinités. Elle permet de déceler des contacts entre des peuples que les mouvements ont dû séparer. Grâce aux travaux de C. A. Diop, on est parvenu à établir la parenté entre l’égyptien ancien et les langues négro- africaines. Au Sénégal par exemple, la parenté linguistique entre le wolof, le peul et le sérère résulterait de leur cohabitation première au niveau de la vallée du fleuve Sénégal.
c) L’anthropologie :
C’est l’étude des caractéristiques anatomiques, biologiques, culturelles et sociales des êtres humains. Cette science est divisée en deux branches principales :
– l’anthropologie physique :
Elle étudie l’évolution biologique et l’évolution physiologique de l’Homme (homo sapiens). Par le biais de cette méthode, on est parvenu à une classification raciale en fonction de la taille et de la forme du crâne. Ainsi les Noirs sont dolichocéphales (crâne allongé), les Blancs sont brachycéphales (crâne plus large que long) et les Jaunes sont mésocéphales (crâne arrondi) ;
– l’anthropologie sociale et culturelle :
Elle étudie la vie des sociétés humaines, présentes et passées, les évolutions de leurs langues, des croyances et des pratiques sociales. L’objet général de l’anthropologie est de faire de l’Homme et de toutes les dimensions de la vie humaine l’objet d’un savoir positif. Par l’anthropologie culturelle, on en est arrivé à établir une classification des civilisations en fonction des traditions et des genres de vie : « civilisations du lait et du mil » par opposition aux « civilisations du riz et de l’huile de palme » ; le patriarcat (car le pastoralisme est une activité dominée par les hommes) dans les sociétés nomades par opposition au matriarcat (mode de succession utérin) dans les sociétés sédentaires (les sociétés agraires où les femmes assurent l’essentiel des activités).
CONCLUSION
Des progrès réels ont été enregistrés dans les recherches sur le passé africain. En témoignent les nombreuses publications d’historiens africains et occidentaux. L’historien africain a un atout maître dans la recherche grâce à son appartenance aux peuples dont il écrit l’histoire, à la connaissance de la langue ou des langues, des coutumes, des traditions. Mais cet historien africain, tout comme son homologue occidental, n’est pas à l’abri de la subjectivité.