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BIRAGO DIOP, LES NOUVEAUX CONTES D’AMADOU KOUMBA, 1958

INTRODUCTION

Le Conte est un genre littéraire qui se retrouve dans toutes les couches sociales, et son origine est aussi inconnue que son auteur. Birago Diop, ce sénégalais à pu en recueillir auprès d’Amadou Koumba, les traduire en français puis les transcrire dans une écriture. Le succès des Nouveaux Contes se passe de commentaire. Et pour en cerner les contours, nous étudierons principalement la vie et l’œuvre de l’auteur, la structure et les thèmes, le cadre spatio-temporel et enfin la technique des contes dans ce recueil.

I-VIE ET ŒUVRE DE BIRAGO DIOP

1-BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR

Né en décembre 1906 à Ouakam, Birago Diop fréquenta l’école coranique. Après sa première scolarité, et ne trouvant de bourse pour poursuivre ses études, il prend le risque d’hypothéquer sa maison familiale et se rendit à Toulouse puis à Paris où il retrouve le groupe de L’Etudiant Noir. A son retour au bercail, il est affecté à Kayes au Mali, ce qui lui donne l’occasion de parcourir la brousse et de faire la rencontre d’Amadou Koumba, griot de la famille maternelle auprès de qui il recueillit beaucoup d’histoires.

Birago Diop est à la fois conteur et poète. Il est marqué par l’enracinement dans les valeurs culturelles ancestrales. De même, les traits des mœurs qui caractérisent ses personnages renvoient-ils à la réalité villageoise dans ce qu’elle a à la fois de particulier et d’universel.

Il mourut en 1989.

2-SON ŒUVRE

Les contes classiques de l’Afrique comptent parmi eux les célèbres et incontournables œuvres de Birago Diop. Il publia en 1947 Les Contes d’Amadou Koumba, puis en 1958 il donne Les nouveaux Contes d’Amadou Koumba. Ils seront suivis de deux autres Les Contes et Lavanes et Contes d’Awa publiés respectivement en 1963 et 1977. Comme poète on lui doit Leurres et Lueurs.

A travers son œuvre, on reconnaît bien le cadre africain de manière générale, mais surtout le style nègre dont Senghor parle assez souvent : l’asymétrie dans le rythme qui n’ennuie nullement le public du conte.

II-LA STRUCTURE ET THEMATIQUE DE L'ŒUVRE

Les Nouveaux Contes est constitué des treize (13) contes suivants : L’Os, Le Prétexte, La Roussette, Le Boli, Dof Diop, Khary-Gaye, Djabou Nd’aw, Samba-de-la-nuit, Le Taureau de Bouki, Les deux Gendres, Liguidi-Malgam, Bouki pensionnaire et la cuiller sale.

Quelques-uns sont résumés ci-dessous, et les thèmes qu’ils développent seront analysés au fur et à mesure.

1 – L’Os : Dans ce conte, un homme, Mor Lame, à cause de sa gourmandise et de son ingratitude, finira par provoquer sa propre mort, car il ne voulait pas partager son “Tong-Tong” avec son “Bok M’baar” (un plus que frère de case) Moussa.

2 – Le Prétexte : Il est dominé par deux thèmes : d’abord le mensonge ne dure pas se vérifie à travers le faux marabout Sérigne Fall qui voulait profiter des largesses du riche et bon Mar Ndiaye. Celui-ci montre à son tour que la patience a des limites et qui va se débarrasser de son hôte encombrant, et ainsi que le murmure son Guéwel Mbaye : “Point n’est besoin d’un gros appât pour attraper une grosse bête” (p. 47)

3 – La Roussette :

4 – Le Boli : Il met l’accent sur l’importance du respect à accorder à la tradition. Tiéni était le fils d’un vieux forgeron Noumouké-le-forgeron. Noumouké, devenu vieux posta sa statuette sacrée “le boli” près de son atelier et lui versait toujours une calebasse de lait avant de se mettre à l’œuvre. Du ” boli” sortait une ombre sous forme de jeune et aidait le vieux dans la forge. Lorsqu’il Tiéni sortit de la case des hommes et qu’il reprit l’atelier de son père, au lieu que de continuer à satisfaire “le boli”, il lui donnait des coups de marteau sue la tête. Un jour une vielle peule Débo, passa par l’atelier offrit du lait jeune homme (ombre du boli) qui la transforma dans le feu de la forge en la jeune qu’elle était. Son mari, averti vint à la forge mais trouve Tiéni, celui-ci le calcina. Et quand le roi voulut le tué, l’ombre du “boli” le sauva en ressuscitant le peul. Depuis Tiéni respecte “le boli”.

5 – Dof Diop : Né Moussa, il est idiot d’où le surnom “Dof Diop”. A la mort de son père, il reçut une génisse comme sa part de l’héritage alors que tout le reste sera partagé par ses demi-frères Bouba, Baba et Bira. Ayant décidé de vendre son héritage au marché, Dof Diop se reposa sous un tamarinier et cru entendre que cette arbre voulait lui acheter son animal. Comme ils ne tombèrent pas d’accord sur le prix, Dof Diop laissa l’animal attaché à l’arbre lui demandant de proposer un meilleur prix. Revenu le lendemain matin, il ne trouva de l’animal que des os. Il accusa le tamarinier d’avoir mangé sa bête sans l’avoir payé. Ainsi, il l’abattit et surpris, il trouva du trésor dans le tronc de l’arbre et s’en va ses frères qui l’aidèrent à transporter toute la richesse. Mais le Maure du roi sut l’histoire et fut tué par les trois frères. Dof les dénonça au Roi, heureusement le roi fut trompé et les fils du marabout Mor-Coki Diop s’en sortirent indemne et jouissèrent.

6 – Khary – Gaye : ce conte traite du thème de la mauvaise éducation et de ses conséquences sur les parents. Khary Gaye était une jeune fille bien éduquée par sa mère et elle sera épousée plutard par un prince des eaux qui prend l’apparence d’un python. Elle éduqua très mal sa fille qui ne sait pas tenir sa langue et dévoila le grand secret du python alors que son frère répondait toujours “Kham” (Je ne sais pas) si on lui demandait qui était son père et où vivait-il. En effet, son père lui a appris que “je ne sais pas n’avait jamais fait couper le cou à personne, ni mené quiconque dans une geôle (prison)” (p. 98). Avant sa mort, à sa fille qui avait dévoilé son secret, le Prince du Grand Fleuve la transforma en euphorbe (plante vivace et toxique) et pleurera toujours et pour un rien, Khary, sa mère deviendra une tourterelle (oiseau comme le pigeon, au beau plumage) gracieuse et faible qui chantera sans cesse aux cimes des arbres alors que le fils qui a su tenir sa langue, retournera dans son royaume au fond des eaux.

7 – Djabou N’daw : Ce conte explique la naissance mystérieuse du lion, roi de la foret. Au début, il existait Gharr-le-Dragon, qui semait la terreur chez les hommes. En effet, pendant ses apparitions, meme les hommes les plus braves, se terraient au fond de leur case. Un jour, Djabou N’Daw, un petit garçon défia le dragon et se bat contre lui. Ils s’entrent avalèrent et Djabou N’Daw, ira se coucher avec ce qui restait du dragon dans son ventre. Le lendemain matin, alors que les hommes murs se racontaient, ce qui s’était la nuit, l’enfant, arrive et leur dit qu’il va les surprendre. Il déboucha son anus et un animal en sortit : c’est le lion qui remplacera désormais le dragon et qui s’enfuira à la vue d’un baton.

8 – Samba-de-la-nuit : C’est l’histoire d’un enfant qui, non content d’exiger sa naissance, suivra ses sept frères utérins dans leur voyage. Ayant sous-estimé leur cadet et ayant tout fait pour l’empêcher de les suivre, ils seront régulièrement surpris car ils le trouveront toujours sur leur chemin. Ainsi ils vont être sauvés par les pouvoirs mystiques de ce dernier quand ils rencontrèrent d’énormes difficultés durant leur voyage.

9 – Le Taureau de Bouki : ce conte pose le problème de la cupidité, de l’idiotie mais surtout de la gourmandise de Bouki-l’Hyène. S’étant procuré un taureau, Bouki décida de le manger toute seule, loin des autres animaux et de sa famille. C’était sans compter sur la vigilance de Leuk- le- lièvre qui comme toujours voulait tromper l’hyène pour lui rependre son taureau. Le lièvre, dans sa stratégie, éloignera définitivement Bouki de son taureau qu’il partagea avec sa famille en organisant une fête.

10 – Les deux Gendres : Ce conte narre l’histoire de Bouki-l’Hyène et de Gaïndé-le-Lion qui se marièrent le même jour avec les filles de la vieille Khoudia. C’est une vieille femme riche et généreuse. Par son ingratitude et sa gourmandise, Bouki-l’Hyène mangera le cheptel de la vieille mais sera puni par le coup de patte de Gaïndé-le-Lion qui l’obligera ainsi à restituer tout le troupeau de la vieille dame. Ce qu’il faut retenir à travers ce conte, ce sont les caractères humains que ces deux animaux incarnent : Le lion est courageux, sincère et loyal envers sa belle-mère, l’hyène est fourbe (hypocrite), lâche et déloyal.

11 – Liguidi-Malgam : Ce conte est une sorte de mythe fondateur, c’est-à-dire qu’il explique l’origine du village nommé Liguidi-Malgam qui signifie « l’argent m’arrange ». Selon la légende, Nitjéma-l’Ancêtre en travaillant défonce une termitière et découvre beaucoup d’or et d’argent. Mais il se pose à lui un problème de cachette tant la quantité est importante et sa femme Noaga-la-Vieille avait la langue pendue. Lapin-le-petit lui conseilla de le mettre dans une nasse et de le pêcher ; puis d’accrocher le silure à l’arbre de Karité pour le chasser avec sa flèche devant sa femme qui, par ailleurs va l’aider d’abord à transporter tout le trésor à la maison. Après s’être chamaillée avec son mari, Noaga-la-Vieille le dénonce au roi Naba-le-chef. Malheureusement pour elle, ce qu’elle a raconté lui a valu d’être traitée comme une folle et exilée car de mémoire d’homme, on a jamais peché un lapin ni chassé un silure d’un arbre. S’étant ainsi débarrassé de sa vielle femme, “Nitjéma-l’Ancêtre prit une autre épouse, toute jeune, dont descendit Nitjéma-le-Vieux, et vint créer le village de Lguidi-Malgam.”

12 – Bouki pensionnaire : Il s’agit dans ce conte du partage d’un butin de chasse entre Gaindé-le-Lion, Bouki-l’Hyène et Leuck-le-Lièvre. En effet, le Lion ayant tué trois animaux (une antilope, une chèvre et une chauve-souris) à la chasse, demande à Bouki de faire le partage. Elle donna l’antilope au Lion, s’appropria de la chèvre et remis la chauve-souris au lièvre. Elle reçu comme réponse à ce partage, une gifle de la part du Lion. Celui-ci demanda ensuite au lièvre de refaire le partage : il remet tout le butin au Lion qui surprit lui demanda qui lui a appris à faire un si bon partage. Il répondit que c’est l’œil gauche de Bouki-l’Hyène, qui a frôlé la pointe de mon nez.

13 – La cuiller sale : C’est l’histoire de deux demi-sœurs : Binta l’orpheline et Penda.  Maltraitée par sa marâtre, Binta était très malheureuse car c’est elle qui faisait tous les travaux ménagers. Un jour, elle oublia de laver une petite cuiller et sa marâtre, furieuse, l’envoya laver celle-ci à la mer de Ndayane espérant ne plus la revoir. Grace à son éducation, elle réussira cette épreuve et sera récompensée. Dès que sa marâtre vit la réussite de l’orpheline, elle devint jalouse et envoya sa fille Penda au même lieu. Cependant, la mauvaise éducatin de celle-ci la fera échouer et elle sera dévorée par des bêtes sauvages.

III-TEMPS ET ESPACE

1-LE TEMPS

Le conte est un récit atemporel, c’est-à-dire que le temps de l’histoire est impossible à déterminer. Cependant on peut voir nettement qu’on a affaire à une époque qui appartient à un passé ancestrale pour ce qui concerne la naissance de ces contes. En effet ils permettaient alors à nos ancêtres de passer le temps et d’éduquer la population.

On suppose donc que c’est un monde très éloigné, dans un temps où les animaux et les humains vivaient plus en harmonie et communiquaient.

2-L’ESPACE

La particularité du conte est que l’histoire qui y est narrée se déroule dans un lieu anonyme voire inconnu. Mais la couleur locale y est souvent très perceptible. Dans les nouveaux contes…, le cadre est souvent la maison familiale, et pour cause les thèmes sont liés à la vie quotidienne. Ainsi on a deux possibilités :

La maison : L’Os, Le Prétexte, Le Boli, Khary-Gaye, Samba-de-la-nuit,

La maison et la brousse : Dof Diop, Les deux Gendres, La cuiller sale, Le Taureau de Bouki, Liguidi-Malgam

IV-TECHNIQUE DU CONTE

Le conte obéit à une certaine forme et dans le fond favorise une liberté de composition que sa technique offre dont nous n’allons retenir que deux essentiels.

1-LES FORMULES CONSACREES

Le conte est essentiellement oral, même si on le retrouve sous formes écrites dans les civilisations modernes. Aussi retrouve-t-on toujours les traces de l’oralité dans les contes transcrits. Le conte a ainsi une structure assez particulière qui le caractérise. Il peut être considéré comme un univers ; univers dans lequel on entre et on sort par des formules introductive et conclusive appelées communément protocole énonciatif.

Ce protocole énonciatif est une expression que le conteur prononce pour dire qu’il ouvre les portes d’un univers fictionnel. La formule est souvent “Il était une fois…” qui se traduit de différentes façons selon la langue africaine parlée. La fin aussi se marque par une formule de clôture du genre “Le conte tombe ainsi à la mer”.

2-LE MERVEILLEUX DANS LES NOUVEAUX CONTES

Le merveilleux mette l’accent sur des êtres surnaturels et sur des situations féeriques, où le mystique et le magique sont quotidiens et banals.

Dans ces contes on retrouve un unique, irréel où se côtoient humains, animaux et choses. La parole n’y est exclusivement un moyen d’expression pour l’homme, car il peut parler aux animaux et ces derniers lui répondent. Dans “Liguidi-Malgam”, rat-le-le petit parle à Nitjéma et voici comment parlait Leuk-le-Lièvre à la vieille et riche Khoudia qui voulait des maris à ses deux filles :

“Mame (grand-mère), je peux trouver un mari à chacune de tes filles et le même jour, si tu le veux bien.

– Je t’en remercierais tout le restant de mes vieux jours, Leuk ! Fit la vieille Khoudia.” (p. 138)
La zoomorphisation où transformation des êtres humains en animaux est remarquable à travers les contes. C’est le cas dans Khary-Gaye où cette dernière deviendra Tourterelle, sa fille, euphorbe et le Python, un Prince par la magie de ce même serpent.

Voici comment se manifeste le magique dans le conte Samba-de-la-nuit, pour échapper à la vieille femme qui “soufflait et crachait du feu”, ” Samba-de-la-nuit prit le pagne qu’il avait volé à la vieille femme et l’étendit sur le Grand Fleuve. Et les eaux du Grand Fleuve s’écartèrent et Samba-de-la-nuit et ses frères passèrent entre les grandes eaux, qui se refermaient derrière eux” (p. 121). Tout cela fait penser à Moïse et le pharaon lorsqu’il traversa le fleuve.

Le merveilleux enfin se manifeste au niveau de la frontière entre la vie et la mort. En fait dans le conte cette frontière n’existe plus. Dans “le Boli” on peut redevenir jeune, ou revenir à la vie après s’être réduit en cendres. La vieille Débo (qui signifie fils ou fille, selon) va se rajeunir et son mari ressuscité et rajeuni grâce aux pouvoirs des fétiches du forgeron. 

CONCLUSION 

Les Nouveaux Contes ont une diversité étrange, car elle tient à la fois des thèmes, des actants en jeu, de la technique du conte qui est à cheval sur l’oralité et l’écriture dans laquelle se dilue toutes les ressources de la dramatisation avec des personnages très composites (mixtes, mêlés) : hommes, animaux et objets vivent en voisins.


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